La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Pourquoi certaines résistances extrêmes, contraires à toute raison, celle, par exemple, du général de Gaulle après la défaite écrasante de juin 1940, sont-elles admirables et d’autres exécrables ?

Berlin 45

La Fin. Allemagne 1944-1945

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°63, novembre-décembre 2012. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Avant tout, une question impertinente pour réfléchir un peu, ce à quoi nous invite ce livre consacré à une grande énigme historique.

Pourquoi certaines résistances extrêmes, contraires à toute raison, celle, par exemple, du général de Gaulle après la défaite écrasante de juin 1940, sont-elles admirables et d’autres exécrables ? La réponse tient pour une large part aux résultats. Le téméraire pari de 1940 a été couronné de succès, sans d’ailleurs que le Général y soit pour rien. Ce n’est pas lui qui a gagné la guerre, mais les puissances auxquelles il avait arrimé ses espérances (Grande-Bretagne, USA, URSS). Très longtemps, cependant, en dépit d’échecs répétés, il lui a fallu croire ou « faire comme si », suivant l’une de ses maximes favorites.

La Fin. Allemagne 1944-1945

La Fin. Allemagne 1944-1945

C’est à cela que je songeais, de façon malséante, en lisant l’ouvrage richement documenté de Ian Kershaw. Cet historien britannique fort compétent s’interroge en effet à juste titre sur les raisons peu raisonnables pour lesquelles l’Allemagne, vaincue militairement depuis longtemps déjà, continua de tenir et de combattre en 1945 jusqu’à la dernière seconde, jusqu’à son écrasement absolu et au suicide d’Hitler dans les ruines de sa capitale et de ses illusions. Ayant tout examiné, passé en revue l’héroïsme du peuple allemand, les qualités de son armée et de ses généraux, l’action mobilisatrice et contraignante du parti, ayant rejeté comme cause déterminante l’exigence extrême d’une « capitulation sans condition » imposée par Roosevelt depuis janvier 1943 (conférence de Casablanca), l’auteur en vient à conclure que la résistance incroyable de l’Allemagne s’explique principalement par la volonté intraitable de son Führer et par un pouvoir charismatique devant lequel tout pliait.

Kershaw a certainement raison d’invoquer cette puissance de sidération dont on a maints témoignages. On comprend qu’au-delà de mauvaises raisons, une telle personnalité continue d’exercer une fascination à laquelle le général de Gaulle lui-même n’était pas insensible, comme le suggère un passage connu de ses Mémoires de Guerre. Les grands fauves savent se reconnaître entre eux.

Dominique Venner

À propos de

La Fin. Allemagne 1944-1945. Par Ian Kershaw, Seuil, 668 p., 26 €

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