La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Le Liban est un pays où, comme dans toute la région, on sent quotidiennement, souvent jusqu’au tragique, qu’on n’est pas sorti de l’histoire ni entré dans la fadeur démocratique de l’Europe post-chrétienne.

Liban

L’histoire tragique des chrétiens du Liban. Entretien avec Richard Millet

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire hors-série n°12, printemps-été 2016. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Figure de la scène littéraire, Richard Millet entretient une relation passionnée avec le Liban où il a passé son enfance et où il a combattu dans les rangs chrétiens au cours de la guerre qui a ravagé le pays de 1975 à 1990. Propos recueillis par Claude Lenormand

Né en 1953, l’écrivain a récemment publié, chez Plon, un Dictionnaire amoureux de la Méditerranée.

Né en 1953, l’écrivain a récemment publié, chez Plon, un Dictionnaire amoureux de la Méditerranée.

La Nouvelle Revue d’Histoire : Le Liban semble être un des guides de votre oeuvre. Depuis Beyrouth (Champ Vallon, 1987), repris en 2005 sous le titre Un Balcon à Beyrouth (La Table Ronde), en passant par Cinq chambres d’été au Liban (Fata Morgana, 2010), La Fiancée libanaise (Gallimard, 2011), votre Lettre aux Libanais sur la question des langues (L’Orient des livres, 2012) et bien sûr La Confession négative (Gallimard, 2009). Pourquoi cette fascination ? Et comment s’est-elle exprimée à la fois dans votre oeuvre littéraire et votre vie d’homme ?

Richard Millet : Ajoutez à ces livres Chrétiens jusqu’à la mort (L’Orient des livres), un opuscule publié à Beyrouth et écrit à chaud, en août 2014, alors que l’État islamique venait de conquérir Mossoul d’où il chassait les chrétiens, détruisant les églises, violant leurs femmes, s’appropriant leurs biens, décapitant les récalcitrants…

Mon rapport avec le Liban relève moins de la fascination qu’il n’est une manière de témoigner de ce que je dois à ce qui est mon pays d’enfance, où je suis arrivé en 1960, à l’âge de sept ans. J’y ai appris qui je suis, sur le plan personnel, national, religieux. Le Liban est un pays où, comme dans toute la région, on sent quotidiennement, souvent jusqu’au tragique, qu’on n’est pas sorti de l’histoire ni entré dans la fadeur démocratique de l’Europe post-chrétienne ; une histoire qui a commencé il y a des millénaires et ce sont les chrétiens qui sont les témoins privilégiés, comme les Juifs, en Israël, de cette présence millénaire… Ce que je dois au Liban, notamment aux chrétiens orientaux, est donc incommensurable. C’est la raison pour laquelle il m’a paru nécessaire d’écrire sur eux, comme d’aller prendre les armes à leurs côtés, au début de la guerre en 1975 ; laquelle aurait dû nous éclairer sur ce qui advient à l’Europe, aujourd’hui, surtout après la répétition de cette guerre dans l’ex-Yougoslavie. Notre aveuglement est sans limites : le mot libanisation, qui avait remplacé balkanisation, devrait nous éclairer sur les Molenbeek qui se créent dans toute l’Europe. Nous préférons nous en remettre à l’ignorance, avant la servitude volontaire.

NRH : Les chrétiens du Liban se répartissent en de nombreuses Églises. Est-ce une source de richesse, un facteur d’affaiblissement ou les deux ?

RM : La principale composante chrétienne est maronite, Église qui reconnaît l’autorité de Rome. Les autres sont les Grecs-orthodoxes, les Grecs-catholiques, les églises arménienne, syriaque, assyrienne, chaldéenne, catholique romaine, protestante. Divisions ? Oui et non. Les chrétiens d’Orient sont multiples dès l’origine. C’est, j’y reviens, le bruissement de l’histoire que leur multiplicité fait entendre. N’oublions pas que le Liban a été créé par la France, sur les ruines de l’Empire ottoman, pour protéger les chrétiens, tous les chrétiens, notamment les Arméniens qui venaient d’être persécutés par les Turcs et leurs hommes de mains kurdes, comme autrefois les maronites par l’islam et, plus tard, les syriaques. La situation politique actuelle, en Irak et en Syrie, rassemble ces chrétiens plus qu’elle ne les sépare, malgré les divisions théologiques et, surtout, politico-claniques héritées, au Liban, de la guerre de 1975.

NRH : Ces fractures politiques, ou plutôt claniques, entre les grandes familles, les Gemayel, les Frangié, les Chamoun, ont-elles affaibli le camp chrétien ?

(…)

Cet entretien est disponible en intégralité dans le hors-série n°12 de La Nouvelle Revue d’Histoire, disponible à l’achat dans la boutique en ligne (papier et PDF) et en kiosque jusqu’au 9 août.

Voir aussi : Être minoritaires en terre d’islam, entretien avec la photographe Katharine Cooper

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