La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Que l’année 1942 ait été celle du tournant pour la France et pour l’Europe, on le comprend à la lecture de notre dossier. Ce fut également une année capitale pour les États-Unis, bien que leurs efforts aient principalement porté sur la guerre du Pacifique.

Éditorial et sommaire du n°3 (novembre-décembre 2002)

Éditorial et sommaire du n°3 (novembre-décembre 2002)

L’année du tournant

Que l’année 1942 ait été celle du tournant pour la France et pour l’Europe, on le comprend à la lecture de notre dossier. Ce fut également une année capitale pour les États-Unis, bien que leurs efforts aient principalement porté sur la guerre du Pacifique. Par son ampleur, le débarquement d’Afrique du Nord était une grande première et comportait des risques. Cependant, le succès avait été préparé par une intense activité secrète qui permit de piéger les Français, toutes catégories confondues.

Pour la Russie soviétique, l’ouverture d’un second front en Méditerranée, sur les arrières de son ennemi, était aussi un événement de première grandeur, masqué cependant par la bataille de Stalingrad qui entrait dans sa phase décisive.

Si l’on s’efforce d’adopter une vue globale afin d’évaluer la portée des événements d’Afrique du Nord à l’échelle du monde, on est conduit à les relativiser. Pour le Japon, le grand événement de 1942 fut, en juin, la bataille perdue de Midway. Les pertes nippones (quatre porte-avions et les meilleurs pilotes) étaient irréparables. Elles faisaient basculer l’équilibre en faveur des Américains. Cette défaite mettait fin à l’espoir japonais d’une paix de compromis.

Midway, beaucoup plus que l’opération Torch, eut des conséquences dans toute l’Asie, Chine comprise. En revanche, l’Inde, pas plus que l’Amérique latine ou l’Afrique centrale et australe n’était directement concernée, sinon par les effets généraux de la Seconde Guerre mondiale.

Que les États-Unis aient été capables de conduire simultanément et avec succès leur guerre sur deux grands théâtres d’opération, dans le Pacifique et au-delà de l’Atlantique, c’était aussi la révélation de l’année 1942. Le monde devait désormais compter avec une puissance militaire réellement mondiale et qui n’avait pas d’équivalent.

On y pense peu, mais les conséquences de novembre 1942 furent décisives pour les peuples du Moyen-Orient et plus encore pour les musulmans du Maghreb, spécialement ceux d’Algérie. À la veille de la guerre, la France avait encore la réputation d’être la plus grande puissance militaire au monde. Soudain, à l’été 1940, cette puissance a été pulvérisée avec une rapidité dérisoire. Pourtant, la confiance des populations ne fut pas immédiatement ébranlée. En apparence, la souveraineté française continuait de s’exercer pleinement de Casablanca à Bizerte. Le vieillard majestueux qui avait pris en charge sa patrie blessée effaçait en partie la défaite. Ferhat Abbas l’appelait « le chef vénéré de l’État français ». Avec lui et avec le général Weygand, le pouvoir revenait aux hommes du sabre que les populations musulmanes respectaient beaucoup plus que les civils.

Le débarquement américain de novembre 1942 manifesta soudain ce qui avait été masqué en 1940. La puissance française était morte et avec elle son ancien prestige. L’Afrique du Nord passait en d’autres mains qui le firent savoir. Les tonnes de matériels débarqués par les Américains dans les ports algériens faisaient ressortir cruellement la pauvreté et la désuétude d’une armée française dont les soldats étaient vêtus comme des loqueteux. Mais le pire fut sans doute le spectacle sidérant des plus grands personnages et des généraux s’accusant mutuellement de parjure et de félonie. Le prestige français avait reçu un coup irréparable. Il fallut vingt ans pour le comprendre et pour qu’en 1962 les conséquences en soient tirées.

Dominique Venner

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