Le passé méconnu de l’Afrique du nord. Entretien avec Bernard Lugan
Bernard Lugan vient de publier aux éditions du Rocher une Histoire de l’Afrique du Nord qui sera d’une grande utilité pour tous ceux qui s’inquiètent aujourd’hui des fragilités géopolitiques du sud de la Méditerranée. Propos recueillis par Virginie Tanlay
La Nouvelle Revue d’Histoire : Quelles sont les limites que vous fixez au domaine nord-africain ?
Bernard Lugan : Cette immense région est partagée entre le Levant, Machrek (Égypte et Libye) et le Couchant, Maghreb, l’ancienne Berbérie (Tunisie, Algérie, Maroc).
NRH : Dans votre ouvrage vous traitez longuement de la préhistoire et des changements climatiques qui ont commandé l’histoire du peuplement.
Bernard Lugan : Depuis 60000 ans le climat nord-africain a beaucoup évolué et ses oscillations expliquent la mise en place des populations. Dans la vallée du Nil, les variations du niveau du fleuve expliquent le « miracle » égyptien, la vallée s’étant peuplée ou, au contraire, vidée de ses habitants au gré des épisodes successifs de sécheresse ou d’humidité. La vallée étant accueillante aux hommes chassés du Sahara par la péjoration climatique, leur densification dans les plaines alluviales du Nil provoqua la sédentarisation et l’abandon de l’élevage itinérant au profit de l’agriculture. Avec pour résultat l’apparition de l’habitat groupé, puis des villages, avant que les travaux collectifs favorisent la naissance des proto-États.
NRH : Les Berbères, qui donnèrent à l’Égypte trois dynasties, fondèrent également des royaumes dans l’actuel Maghreb.
Bernard Lugan : Au Ve siècle av. J.-C., en Berbérie, appellation que je préfère à celle de Maghreb, apparurent en effet trois royaumes, celui de Maurétanie, le royaume Masaesyle et le royaume Massyle, chacun d’entre eux correspondant grosso modo aux trois États actuels.
NRH : Vous écrivez que Rome a laissé d’imposants vestiges architecturaux mais que la romanité n’a pas survécu à la fin de l’Empire. Pourquoi ?
Bernard Lugan : À l’exception de l’actuel Maroc et de l’Oranie, qui ne furent qu’effleurés par la romanisation, puis par la christianisation, les témoignages monumentaux de la présence romaine sont impressionnants dans toute l’Afrique du Nord. Cependant, culturellement, la latinisation y fut superficielle. L’influence vandale s’exerça ensuite dans l’extrême est de la Berbérie (Constantinois et Tunisie). Puis, l’Empire byzantin s’établit de l’Égypte jusqu’à l’est de l’actuelle Algérie. De l’arrivée des Vandales en 429, jusqu’à la fin de la période byzantine, partout, à l’exception de certaines villes, la « reconquête » berbère eut raison du vernis romano-chrétien. D’autant plus que la chrétienté nord-africaine fut victime de ses divisions. (…)
Cet entretien est disponible en intégralité dans le n°85 de La Nouvelle Revue d’Histoire, disponible à l’achat dans la boutique en ligne (papier et PDF) et en kiosque jusqu’au 29 août.
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