La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Bercé d’illusions pacifistes durant les années 1920 – quand la Société des Nations imaginée par l’Américain Wilson était censée éviter tout recours à la guerre – le pays subissait de plein fouet en 1940 un retour au réel.

Éditorial et sommaire du n°77 (mars-avril 2015)

Éditorial et sommaire du n°77 (mars-avril 2015)

Une défaite lourde de sens

On imagine difficilement aujourd’hui l’ampleur du choc qu’a représenté, pour nos compatriotes de l’époque, la défaite foudroyante subie en mai-juin 1940. La France était réputée posséder la « première armée du monde », celle des héros de la Marne, de Verdun et des batailles victorieuses de 1918. Ses généraux pensaient avoir tiré les leçons de l’immense conflit qu’avait dû affronter la génération « bleu horizon », afin d’épargner au pays les pertes monstrueuses de la guerre industrielle et de préserver de l’invasion le territoire national. Il suffit de six semaines pour que les certitudes les plus établies s’effondrent, pour que la France se retrouve contrainte, suprême humiliation, de signer un armistice dans le wagon de Rethondes où avait été scellée, vingt-deux ans plus tôt, la défaite de l’Allemagne impériale. L’effet de sidération est total pour des dirigeants en proie à la panique et pour le peuple de l’exode – ils sont près de neuf millions à fuir, dans l’espoir que l’établissement d’un « front » permettra d’assurer leur sécurité – qui, quelques mois plus tôt, entendait Paul Reynaud affirmer : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »…

L’historien Marc Bloch s’interroge alors sur « l’étrange défaite  » que le pays vient de subir. Elle est certes totalement imprévue, pour les Français comme pour leurs alliés, mais elle est aussi l’occasion de discerner les faiblesses structurelles qui affectaient alors le pays. La France avait payé au prix fort sa victoire de 1918 et, derrière l’euphorie que celle-ci avait suscitée, elle s’était retrouvée de fait isolée. Les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient oublié leur engagement de « garantir » la paix conclue à Versailles, et la Petite Entente, formée par certains des nouveaux États d’Europe centrale et orientale, ne pouvait remplacer l’alliance de revers conclue avec la Russie avant 1914. Sur le plan démographique, le bilan de la Grande Guerre s’était révélé beaucoup plus lourd pour une France déjà vieillie au début du siècle que pour une Allemagne bénéficiant d’une pyramide des âges nettement plus jeune.

L’instabilité gouvernementale propre au régime de la IIIe République avait souvent paralysé le pouvoir politique. On avait pu le vérifier en mars 1936, quand la France était demeurée passive face à la remilitarisation de la Rhénanie, au moment où elle était largement en mesure d’imposer sa volonté à Hitler. L’effort budgétaire en faveur de la défense nationale avait été considérable, notamment à partir de 1936, quand il fallut prendre en compte le réarmement entamé en Allemagne l’année précédente. Dès 1938, Édouard Daladier, à la fois président du Conseil et ministre de la Guerre, avait donné la priorité à une politique ambitieuse en ce domaine. Convaincus que la guerre à venir serait longue et qu’il convenait de privilégier une stratégie défensive qui laissait l’initiative à l’adversaire, les dirigeants et les chefs militaires ont surestimé le rôle que pouvait jouer la ligne Maginot et n’ont engagé que trop tard les dépenses nécessaires au développement d’une force aérienne suffisante. Le caractère obsolète de la doctrine d’emploi des blindés et le relâchement né de la « drôle de guerre » ont fait le reste, malgré la résistance courageuse opposée à l’envahisseur par de nombreuses unités.

Bercé d’illusions pacifistes durant les années 1920 – quand la Société des Nations imaginée par l’Américain Wilson était censée éviter tout recours à la guerre – le pays subissait de plein fouet en 1940 un retour au réel. S’ouvrait alors l’une des pires périodes de son histoire, marquée par l’occupation étrangère et la division des Français. Un traumatisme dont il ne s’est jamais complètement relevé.

Trois quarts de siècle plus tard, le souvenir du désastre de 1940 devrait inspirer ceux qui ont en charge les destinées du pays, en un moment qui voit, dans un monde en mutation accélérée, se lézarder nos sociétés individualistes et consuméristes, déjà confrontées depuis plusieurs années au violent retour d’une histoire naturellement tragique.

Philippe Conrad

Courrier des lecteurs
Éditorial

Une défaite lourde de sens. Par Philippe Conrad

Actualité de l’histoire
  • Entretien avec Philippe Pichot-Bravard
  • La chronique de Péroncel-Hugoz
Portrait/Entretien

D’où vient et où va la Russie ? Entretien avec Jean-Pierre Arrignon. Propos recueillis par Pauline Lecomte

Découvertes
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  • Les Savoie, une dynastie européenne. Par Frédéric Le Moal
  • La Grande Guerre sur le front des Vosges. Par Rémy Porte
  • 1935 : le gouvernement de Pierre Laval. Par Martin Benoist
Jeu

Robespierre et son temps. Par Emma Demeester

Dossier. L’étrange défaite
  • Présentation du dossier
  • Les raisons du désastre. Par Philippe Conrad
  • La ligne Maginot fut-elle inutile ? Par Henri Ortholan
  • Les communistes pendant la drôle de guerre. Par François de Lannoy
  • Les chars français en 1940 : les causes d’un échec. Par François de Lannoy
  • Les forces aériennes françaises en juin 1940. Par Michel Savoie
  • Les erreurs des généraux. Par Max Schiavon
  • Les combattants de 1940. Par Martin Benoist
  • La bataille des Alpes : une victoire dans la défaite. Par Max Schiavon
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