Histoire de l’armée allemande : une synthèse historique sans équivalent
Observant les échecs successifs de 1918 et 1945, Masson conclut à une faille de la pensée. La vision exclusivement terrestre des stratèges allemands avait ignoré l’ampleur des nouveaux conflits mondiaux : l’association des forces continentales et des forces maritimes.
Désormais disponible en collection de poche, l’Histoire de l’armée allemande, 1939-1945 de Philippe Masson est un livre historique indispensable à la compréhension de la Seconde Guerre mondiale. Il est également indispensable à l’élucidation de l’effroyable défaite française de 1940.
Disparu à la fin de 2005, Philippe Masson est un historien d’une qualité exceptionnelle. Agrégé d’histoire, docteur ès lettres, il fut, pendant presque 30 ans, le directeur du Service Historique de la Marine. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages d’histoire et de stratégie maritime. Cette attention portée à la mer explique sans doute l’ampleur planétaire de ses vues. Il avait toutefois observé que, si le rôle de la marine est décisif dans les grands conflits mondiaux, la guerre se gagne finalement sur terre, d’où son intérêt pour l’histoire militaire proprement dite.
Vaste culture historique, honnêteté scrupuleuse, esprit philosophique sans les travers de la philosophie, plume limpide, précise, élégante, Philippe Masson va toujours à l’essentiel. Avant lui, aucun auteur n’avait traité de l’histoire de l’armée allemande dans son ensemble. La grande Histoire de Benoist-Méchin s’arrête en effet en 1939. De plus, Masson ne traite pas seulement de l’armée de terre, mais aussi de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe, c’est-à-dire de l’ensemble de la Wehrmacht. Il ne se limite pas aux opérations militaires, mais il examine les ressorts secrets de cette armée : au niveau du commandement, de la doctrine, du matériel, du renseignements et du politique. Ainsi s’éclairent les raisons de victoires retentissantes, mais aussi d’un désastre final sans précédent dans l’histoire.
Chacun pourra se reporter à sa description de l’incroyable campagne de mai-juin 1940. Mais, souligne aussitôt Philippe Masson, la victoire allemande de 1940 comporte des effets pervers qui se feront sentir plus tard. La conclusion de la campagne de France débouche sur un sentiment d’euphorie trompeur. Elle a masqué des failles qui se révèleront au grand jour en Russie, dès la fin de 1941.
Après la victoire de 1940, Hitler est convaincu de détenir une supériorité fondamentale sur son entourage. Croyant à la sûreté infaillible de son intuition, il repoussera à l’avenir les objections et les conseils de ses généraux accusés de timidité. La démesure qui était en lui se révèlera alors fatale.
En conclusion de son livre, Philippe Masson élève encore d’un cran la réflexion. Observant les échecs successifs de l’armée allemande en 1918 et 1945, il discerne chez ses stratèges successifs une faille de la pensée. L’enseignement exclusivement terrestre des états-majors allemands n’avait pas pris en compte l’ampleur de nouveaux conflits mondiaux : l’association des forces continentales et des forces maritimes. En résumé, malgré tous ses atouts, l’Allemagne n’était pas de taille à affronter la coalition des plus grandes puissances de la planète.
Dominique Venner
À propos de
Histoire de l’armée allemande, 1939-1945. Par Philippe Masson, Perrin Tempus, 660 p., index, 11,50 €
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