Metternich, le séducteur diplomate
Pour le cent cinquantenaire de la mort de l’adversaire de Napoléon, une biographie majeure est consacrée au grand chancelier autrichien, Européen par excellence.
Vainqueur politique de Napoléon, fondateur d’un nouvel ordre européen après 1815, le prince de Metternich (1773-1859) n’est pas un inconnu de la bibliographie française. Il fut au centre de la thèse de doctorat d’Henry Kissinger traduite en 1972 chez Denoël (Les Chemins de la paix). Guillaume de Bertier de Sauvigny lui a consacré une biographie rééditée voici dix ans (Fayard, 1998).
Sans s’écarter des travaux de ses prédécesseurs, Charles Zorgbibe, juriste et historien, professeur de droit public à Paris-I Panthéon Sorbonne, puis recteur de l’académie d’Aix-Marseille, a principalement porté son attention sur le travail diplomatique de Metternich. Il ne faut pourtant pas imaginer un ouvrage d’érudition aride. Bien au contraire, le bouillonnement de la vie est assez intense dans cette biographie, au point parfois de pousser à de larges digressions. Le lecteur qui apprécie les descriptions d’atmosphère (on pense aux incroyables saturnales du congrès de Vienne) ne s’en plaindra pas.
Rappelons aussi que Charles Zorgbibe est l’auteur d’une œuvre importante sur l’histoire des relations internationales et certains de ses acteurs, tels Wilson ou Delcassé. On lui doit également des biographies de Theodor Herzl (Tallandier, 2004) et Mirabeau (de Fallois, 2008). Son portrait de Metternich ne néglige pas l’anecdote. Celui dont Stendhal écrivait que « son regard bleu et bienveillant tromperait Dieu lui-même », fut un séducteur impénitent : trois épouses autrichiennes, trois maîtresses russes et trois autres françaises. Son talent n’a pas toujours fait illusion, son jumeau politique, Talleyrand, assurait : « Il ment toujours et ne trompe jamais », au contraire de Mazarin « qui trompait, mais ne mentait pas ». Jugement que dément quelque peu le travail de Charles Zorgbibe.
Issu d’un ancienne famille rhénane, Clément de Metternich était le fils d’un collaborateur du chancelier Kaunitz, dont il épousa la petite-fille, ce qui ne desservit ni sa carrière ni sa fortune. Entré dès 1794 au service de la diplomatie autrichienne, il fait ses premières armes lors du congrès de Rastadt (1797). Adversaire résolu de la France révolutionnaire qui a détruit l’ancien ordre européen, il est ministre des Affaires étrangères en 1809. Il comprend alors la nécessité de temporiser avec Napoléon qui a déjà envahi Vienne à deux reprises. Il se fait donc l’artisan du mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avec l’empereur. Après 1813, il s’inquiète de la montée en puissance de la Russie. Dans une intention d’équilibre, il cherche donc à sauver Napoléon l’année suivante. Puis, au congrès de Vienne (1814-1814), il fait toute sa place à la France vaincue. Son grand dessein est de restaurer l’équilibre européen, ce qui exclut tout esprit de vengeance.
En dépit des critiques que l’on peut adresser au futur « gendarme de l’Europe » face à la montée des nationalismes, on peut lui reconnaître, avec son biographe, d’avoir innové (ainsi que l’Anglais Canning) par la pratique des conférences au sommet, qui va garantir l’équilibre européen jusqu’en 1870, sinon 1914.
Dominique Venner
À propos de
Metternich, le séducteur diplomate. Par Charles Zorgbibe, Éditions de Fallois, 550 p., 24 €
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