Correspondances inédites de Dominique de Roux (1953-1977)
Dans le n° 19 de La NRH, Jean Mabire avait tracé un portrait chaleureux de l’écrivain Dominique de Roux (1935-1977). Le prétexte était l’importante biographie que venait de publier Jean-Luc Barré. Celui-ci apporte aujourd’hui un précieux complément à son travail en éditant la correspondance inédite de l’écrivain le plus original et le plus libre de sa génération, qui fut aussi un éditeur hors pair.
On sait que Dominique de Roux fut le créateur de L’Herne et de ses célèbres Cahiers consacrés à Céline, Ezra Pound, Witold Gombrowicz, Jorge Luis Borges, Georges Bernanos et quelques autres. Fondateur aussi des éditions 10-18 avec Christian Bourgois, il fut un prodigieux découvreur de talents. Las du parisianisme mondain, il eut un jour envie de goûter à l’aventure vraie. Il alla la chercher en Angola avec la guérilla de Jonas Savimbi.
L’abondante correspondance qui est désormais accessible confirme le talent particulier de Dominique de Roux pour un genre littéraire qui désormais se fait rare. Le lecteur intéressé par l’histoire des idées retiendra particulièrement les très nombreuses lettres adressées par l’écrivain à son aïeul par alliance, Robert Vallery-Radot. Romancier, biographe, essayiste, ami de François Mauriac et de Georges Bernanos, ce dernier avait été avant la guerre un intellectuel catholique de premier plan d’inspiration maurrassienne. Rallié à la Révolution nationale après 1940, idéologue antimaçonnique, il fut condamné par contumace à la Libération. Après s’être réfugié en Espagne, il fut acquitté en 1947. Aussitôt après, il se retira à la Trappe de Bricquebec jusqu’à sa mort en 1970. À travers cet homme, Dominique de Roux découvrit l’ostracisme qui pesa après la guerre sur toute une génération d’écrivains frappés d’interdit.
Sa correspondance évoque ceux qu’il eut alors la curiosité de rencontrer, à commencer par Lucien Rebatet. « Quel homme étrange, écrit-il le 29 août 1960, jamais apaisé, toujours en révolte, dont on sent le potentiel prêt à être utilisé… » On est alors entré dans la phase dramatique de la guerre d’Algérie que Dominique de Roux ressentit douloureusement. Ses lignes du 24 février 1962 évoquent la « situation atroce, pourrie par le Général et ses hommes de république, cette race bâtarde d’entremetteurs qui passent du commerce au poste de ministre, du tripatouillage à la barre du pays… » Tout l’intérêt de cette correspondance tient au fait qu’elle n’était pas destinée à la publication et qu’elle n’a pas été remaniée. Elle constitue donc un document historique et littéraire irrécusable.
De façon simultanée, la collection de poche Motifs (Le Rocher, 430 p., 8,50 €) réédite Le Cinquième Empire, ultime roman que Dominique de Roux publia deux semaines avant sa mort et qui est nourri par la pensée de son engagement entre Portugal et Afrique australe. On y retrouve la préface écrite à l’époque par Raymond Abellio.
Le hasard faisant bien les choses, Philippe Barthelet, écrivain, longtemps chroniqueur sur France-Culture, auteur d’un superbe essai littéraire, Baraliptons (Le Rocher), écrit dans la veine de La Rochefoucauld, publie chez Pardès, en mai 2007, un « Qui suis-je ? » consacré à Dominique de Roux. Il y fait revivre, avec une ferveur complice, l’itinéraire de cet aventurier métaphysique.
Dominique Venner
À propos de
Correspondances inédites 1953-1977 de Dominique de Roux, Fayard, 415 p., index, 25 €
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