La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Pour l'auteur, si la France est aujourd’hui « en danger d’islam », c’est non seulement à cause du poids de plus en plus lourd de la présence musulmane à l’intérieur de ses frontières, mais encore de l’incurie de nos élites politiques, économiques et intellectuelles face à ce phénomène.

France Islam

Livres : le débat. La France en danger d’islam, par René Marchand

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°3, novembre-décembre 2002. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Chaque numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire soumettra un livre important à un débat. Celui-ci sera introduit par la libre présentation qu’en fera un écrivain ou un historien. Il sera suivi par l’expression de deux points de vue différents. Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de René Marchand La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista, publié à L’Âge d’Homme (2002, 360 pages, 25 €).

René Marchand est ancien élève de l’École nationale des langues orientales. Il est licencié en langue et littérature arabe. Il a fait sa carrière dans l’audiovisuel comme journaliste, rédacteur en chef et producteur de radio et de télévision.

Éclairée par l’histoire et la connaissance du monde arabe, une analyse percutante de l’immigration, interprêtée comme une conquête islamiste de la France. Par Régis Constans

La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista

La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista

« La France deviendra musulmane, comme l’ensemble de la planète ! » Encore ultra-minoritaire il y a vingt ans, cette conviction d’un militant islamiste s’est désormais « installée parmi les musulmans de France », affirme René Marchand.

Ancien journaliste de radio et de télévision, puis enseignant et chef d’entreprise, ce dernier est un familier de la civilisation arabo-islamique qu’il n’a cessé de fréquenter, comme étudiant à l’École nationale des Langues orientales d’abord, au cours de sa carrière professionnelle ensuite, par intérêt personnel enfin. « Mon approche de l’islam a toujours été déférente, et elle le demeure, précise René Marchand. L’islam est, pour moi, une des plus grandes variétés de la civilisation. J’ai le devoir de le combattre s’il m’agresse. Je ne l’abaisserai jamais [… ] Je souhaite que mon pays le connaisse mieux, qu’il le respecte sans s’abaisser lui-même, qu’il échange avec lui hommes, idées, marchandises pour leur bénéfice commun. Rien d’autre. »

Or, constate-t-il, si la France est aujourd’hui « en danger d’islam », c’est non seulement à cause du poids de plus en plus lourd de la présence musulmane à l’intérieur de ses frontières, mais encore de l’incurie de nos élites politiques, économiques et intellectuelles face à ce phénomène.

Depuis quelques années, déjà, la France compte plus de musulmans (dont beaucoup sont devenus citoyens français) que la Libye, le Liban ou la Palestine. Et l’islam y est la deuxième religion par le nombre de pratiquants. À aucun moment, cette mutation sans précédent dans notre histoire, réalisée en moins de quarante ans, n’a été appréhendée en termes d’« opportunités et risques » par nos gouvernants. Aucun gouvernement, aucun responsable patronal ou syndical, aucun universitaire ou expert ne s’est avisé de mesurer les conséquences démographiques, politiques, économiques et culturelles à court, moyen et long terme de ce bouleversement.

Une inconscience, selon René Marchand, qui rappelle celle qui présida à la politique de la France en Algérie durant la période coloniale. En effet, à de rares exceptions près, le pouvoir politique, assuré de la supériorité intrinsèque et universelle du modèle français, se révéla incapable de saisir en profondeur les spécificités des populations musulmanes. Cet aveuglement empêcha de poser en temps voulu, à froid, la question de la décolonisation et d’organiser celle-ci au mieux des intérêts de chacun. On sait sur quelle tragédie cela déboucha.

Le précédent algérien n’a pas servi de leçon. Nos élites ont laissé s’installer sur notre territoire une communauté musulmane massive en témoignant de la même incompréhension de l’islam que leurs aînés. Refusant de considérer celui-ci dans sa réalité, elles ont continué de l’envisager à travers le prisme de leurs propres paradigmes jacobins. Approche ethnocentriste qui a fondé la pseudo politique d’« intégration ».

Héritée de l’Algérie française, celle-ci stipule que tout musulman installé en France a vocation à devenir citoyen français, à condition qu’il adopte un islam conforme aux exigences de sa nouvelle citoyenneté, autrement dit un islam « à la française », « moderne », respectueux des « valeurs de la République » et de la laïcité. Prétention insensée, souligne René Marchand, à l’heure de la renaissance, partout dans le monde, d’un islam conquérant et guerrier désigné sous le nom d’islamisme. Aux yeux des idéologues de l’« intégration », l’islamisme constitue une aberration qu’ils préfèrent minorer et diaboliser plutôt que d’y voir une volonté de réappropriation culturelle. Et d’abord, ils ne voient pas que l’islam, à la différence par exemple du christianisme, est une identité collective dont on ne peut sortir.

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Cet aveuglement les empêche de percevoir à sa juste mesure l’écho grandissant rencontré par l’islamisme auprès des musulmans de France.

La force des islamistes réside, notamment, dans leur capacité à analyser l’état de la France contemporaine : affaiblie politiquement, économiquement, culturellement, spirituellement, sans ressort moral, incapable d’un sursaut de vitalité. Et, contrairement à nos élites, eux ont retenu les leçons de la guerre d’Algérie. Celle-ci leur a enseigné que les gouvernements français nient les réalités, y compris lorsque surgit la catastrophe ; qu’ils s’inclinent devant la force ; qu’ils renient leur parole du jour au lendemain et abandonnent sans vergogne leurs propres concitoyens ou leurs partisans.

C’est pourquoi, estime René Marchand, notre pays réunit, aujourd’hui, toutes les conditions du Jihâd, la guerre de conquête intérieure. À moins que ne surgisse de la France profonde une réaction populaire aussi violente qu’inattendue. Au Jihâd répondrait, ainsi, une nouvelle Reconquista. Afin d’éviter une telle alternative, il conclut en exposant ce que pourrait être une Reconquista «  à froid », doublée d’une politique étrangère fondée sur le rapprochement avec le monde arabe.

Le point de vue de… Alain de Benoist

Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis. Il a reçu le Grand Prix de l’Essai de l’Académie Française pour Vu de droite (Labyrinthe).

Ceux qui s’inquiètent des pathologies sociales que fait naître une immigration massive et incontrôlée se partagent en général en deux camps : ceux qui pensent que les immigrés resteront et ceux qui croient qu’ils partiront (ou qu’on les fera partir). Comme un hypothétique départ n’est pas pour demain matin, ni même pour l’année prochaine, la question reste en toute hypothèse posée du statut que peut ou doit avoir dans l’immédiat la population issue de l’immigration. Les solutions possibles se ramènent à deux : l’assimilation sur une base exclusivement individuelle ou la reconnaissance dans la sphère publique des communautés existantes.

L’État-nation français, qui n’a jamais reconnu ses minorités – endogènes ou allogènes –, a toujours prôné la première solution. René Marchand, qui fait montre à l’égard des Corses d’un net jacobinisme, la tient lui aussi pour la seule concevable : il n’a pas de mots assez violents pour dénoncer ce qu’il appelle le « communautarisme ». Le problème est que, dans le cas des musulmans vivant en France, il estime que l’assimilation est irréalisable. En d’autres termes, il n’avance aucune solution. C’est une limite de son livre.

Livre courageux au demeurant, d’une sincérité passionnelle allant jusqu’au pathétique, et qui abonde en justes remarques (sur la nécessité, par exemple, de combattre à la fois l’ethnocentrisme et le relativisme), mais dont le point de départ peut être discuté. René Marchand fait observer que le Coran n’est pas susceptible d’interprétation. Il en déduit que l’islam est nécessairement le même en tous temps et en tous lieux, et que l’islamisme radical exprime la quintessence de cette essence : « L’islamisme, c’est l’islam. » C’est très exactement ce que dit aussi Ben Laden, qui souscrirait sans doute à tout ce qu’il y a dans ce livre, en se contentant de mettre au positif ce que l’auteur met au négatif ! Mais l’islamisme radical est-il vraiment un phénomène religieux – ou bien un phénomène politique sous habillage religieux, dont il s’agirait alors d’analyser les causes ?

Logique avec lui-même, René Marchand dénonce au passage, dans des pages très dures, la «  dinguerie » des partisans de l’Algérie française, qui déclarent aujourd’hui, comme il le fait lui-même, que l’islam n’est pas soluble dans la francité, mais qui voulaient avant 1962 « intégrer » au sein de la République dix millions de musulmans qui seraient aujourd’hui trois fois plus nombreux. C’est en effet une inconséquence. N’en est-ce toutefois pas une autre que de reprocher aux immigrés de ne pas vouloir s’assimiler quand on affirme en même temps qu’ils sont inassimilables ?

L’auteur préconise en conclusion un certain nombre de mesures de bon sens, auxquelles on ne peut que souscrire. Elles ne sauraient cependant régler le problème de fond tel qu’il a choisi de le poser. À plus long terme, l’auteur en tient pour une Reconquista « par voie démocratique et pacifique ». Autant dire pour un vœu pieux.

Le point de vue de… Antoine Moussali CM

Le Père Moussali a notamment publié La Croix et le Croissant (Éditions de Paris).

Enfin ! Un livre dont je rêvais, que je souhaitais, que j’attendais. Il vient nous sortir de la «  paranoïa » de la « pensée unique » ! Il se dégage de l’ouvrage un air de vérité, soucieuse de « considération, respect, justice », qui pose avec compétence et courage le problème tel qu’il doit être posé. L’avalanche de questions capitales exprimées (p. 8) avec pertinence, traduit la profondeur, l’étendue et la justesse de la réflexion à laquelle nous sommes conviés. Tout cela proposé avec force, non pas dans un but négatif d’exclusion ou de diffamation, mais pour aider à trouver des solutions positives à un problème qui a pris de court aussi bien les observateurs que les politiques, les sociologues et les hommes de religion par l’ampleur et la nouveauté d’une « donnée lourde », selon l’expression de l’auteur, qui, si on ne la saisit pas dans sa réalité vraie, risque de conduire à des conséquences qu’on aurait tort de sous-estimer.

« La guerre est-elle commencée ? » comme l’affirme l’auteur. Je le pense, comme lui… Il s’agit d’islamiser non seulement la France, mais l’humanité, la planète tout entière. Cela fait partie intégrante, essentielle de l’espérance messianique islamique qui « illumine », qui habite et soulève les peuples islamiques. L’auteur a raison d’affirmer que « l’islamisme, c’est l’islam ». Il ne s’agit pas de faire peur, il s’agit d’une réalité qu’il importe de regarder droit en face. Il s’agit d’une conviction inscrite au plus profond de l’inconscient aussi bien des « modérés », comme on dit, que des fondamentalistes, qui sont loin d’être une minorité, comme le chante H. Tincq dans Le Monde. L’islam est ontologiquement conquérant.

L’auteur ne se place pas au plan théologique ou doctrinal. Mais il n’y a pas de réalité anthropologique qui ne relève du théologique ! Peut-on parler d’intégration, d’assimilation ? Il n’est pas défendu de rêver ! La réalité est là qui nous prouve le contraire ! Qui ne se souvient de la phrase de Boumediene adressée aux Français : « Nous vous conquerrons avec le ventre de nos femmes ! » Tout musulman est foncièrement communautariste ! S’intégrer à une nation qu’il considère comme décadente ? S’intégrer pour faire partie d’une nation, alors qu’on est citoyen de la « Umma » (l’Internationale islamique) ? Allons donc ! « Islamiser la France » et toute la planète, cela s’inscrit dans un plan à réaliser à long terme et qui est en cours ! Le jihâd (et qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit avant tout d’effort moral et spirituel) est en cours. Les réseaux de toutes sortes sont en place et ce n’est pas l’argent qui manque !

Que faire ? Se résigner à une situation qui nous échappe ? L’auteur nous indique quelques pistes et, en tout premier lieu, la nécessité de mieux connaître l’autre, sa langue, sa culture, sa religion, son histoire, ses guerres, ses Écritures, ses interprétations, l’esprit centripète de l’islam pour qui évoluer veut dire revenir au centre, au fondement historique de la tradition. Nécessité de comprendre l’islam tel qu’il est et non pas un islam rêvé, prendre ses distances par rapport à des poncifs comme les fils d’Abraham, les religions du Livre, les trois monothéismes, l’islam tolérant, les dhimmis…

Et que l’on cesse de faire l’amalgame entre les immigrés venus de l’Europe et ceux venus de l’islam. Ceux-là partageaient la culture occidentale et n’ont eu aucun mal à se couler dans la population française et à s’y assimiler. Les immigrés de l’islam sont étrangers à la culture occidentale et à la francité pour lesquelles ils ont une aversion viscérale. Ce qui rend impensable l’idée d’une assimilation culturelle.

La Nouvelle Revue d'Histoire