République – La Nouvelle Revue d'Histoire https://www.la-nrh.fr L'histoire à l'endroit Tue, 22 Aug 2017 11:56:13 +0000 fr-FR hourly 1 Éditorial et sommaire du n°88 (janvier-février 2017) https://www.la-nrh.fr/2017/01/editorial-et-sommaire-du-n88-janvier-fevrier-2017/ https://www.la-nrh.fr/2017/01/editorial-et-sommaire-du-n88-janvier-fevrier-2017/#respond Sun, 15 Jan 2017 07:00:25 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=3466 Éditorial et sommaire du n°88 (janvier-février 2017)
Les citoyens vont bientôt être appelés à désigner le successeur à l’Élysée de François Hollande et le suffrage universel sacrera ainsi celui qui sera le neuvième président de la Ve République.]]>
Éditorial et sommaire du n°88 (janvier-février 2017)

La “monarchie républicaine” à la française. Éditorial de Philippe Conrad (NRH n°88. Dossier : La République et ses présidents)

Les citoyens vont bientôt être appelés à désigner le successeur à l’Élysée de François Hollande et le suffrage universel sacrera ainsi celui qui sera le neuvième président de la Ve République. Institué depuis le référendum constitutionnel de 1962, et régulièrement renouvelé depuis les élections de 1965, ce rituel fait aujourd’hui partie de notre paysage politique. L’élection présidentielle demeure pour les Français le moment démocratique par excellence, un scrutin plébiscité par l’opinion et qui bénéficie de la participation électorale la plus forte. Un demi-siècle après les empoignades qui accompagnèrent l’adoption du suffrage universel direct pour désigner le chef de l’exécutif, les protestations indignées des juristes et des ténors du « Cartel du non » paraissent aujourd’hui bien dérisoires. Les velléités de certains d’en finir avec un « pouvoir personnel » soupçonné de violer les grands principes démocratiques ne paraissent guère en mesure de changer une pratique désormais solidement installée.

NRH n°88. Dossier : La République et ses présidents

NRH n°88. Dossier : La République et ses présidents

Vieille de plus d’un siècle et demi, l’institution présidentielle a connu plusieurs mutations significatives. Une fois la République proclamée en 1792, les constituants de l’an I et de l’an III prirent bien soin d’écarter toute personnalisation du pouvoir exécutif susceptible de rappeler une royauté désormais honnie. Mais les hommes de thermidor ne purent empêcher un jeune général couvert de gloire d’instaurer une monarchie impériale fondée sur le culte de l’homme providentiel.

Les révolutionnaires de 1848, s’inspirant du modèle américain, confièrent le pouvoir à un président élu au suffrage universel, mais Louis-Napoléon Bonaparte eut vite fait d’en finir avec la seconde République. Les constituants de 1875, qui souhaitaient une rapide restauration monarchique, introduisirent le septennat, conçu sur mesure pour Mac Mahon. Mais la victoire électorale des républicains, et l’épreuve de force qui suivit, conduisit le vieux maréchal à « se démettre » pour laisser la place à Jules Grévy qui, dès 1848, n’avait pas caché son hostilité à l’institution présidentielle.

Pour conjurer toute tentation de « césarisme », l’oligarchie parlementaire s’imposa ensuite comme seule détentrice de la souveraineté nationale, l’hôte de l’Élysée se voyant réduit au rôle « d’inaugurateur de chrysanthèmes ». Quand Grévy doit démissionner pour « avoir le malheur d’avoir un gendre », Clemenceau, grand pourfendeur de la présidence, annonce publiquement qu’il « vote pour le plus bête », avant de la réduire à « un organe aussi inutile que la prostate »… Après lui, Casimir-Perier et Alexandre Millerand veulent disposer, dans l’intention de jouer un rôle significatif, des pouvoirs que leur accorde la constitution de 1875 mais ils sont contraints à la démission. Fallières et Doumergue brillent par la popularité dont ils bénéficient dans l’opinion, alors que le malheureux Albert Lebrun apparaît à peu près inexistant.

L’éphémère IVe République reproduit la IIIe, même si René Coty sait prendre ses responsabilités en 1958. Tout change avec le retour au pouvoir du général de Gaulle qui fonde, en s’appuyant sur une très large majorité de Français, une Ve République dont le président constitue la clef de voûte. Une mutation contestée par ceux qui dénoncent alors « le coup d’État permanent » mais qui s’accommoderont très bien, une fois leur tour venu, du nouveau régime…

L’adoption de l’élection du président au suffrage universel viendra compléter l’édifice institutionnel et conforter le lien particulier désormais établi, au-delà des combinaisons partisanes, entre un homme et le peuple français. Bientôt sexagénaire, la Ve République paraît solidement établie, même si l’introduction du quinquennat et la récente apparition des primaires ont quelque peu modifié la donne. Reste la qualité des hommes, alors que les tentations démagogiques, la vacuité idéologique et l’hégémonie de la « communication » ont lourdement plombé les derniers mandats.

Le cadre institutionnel n’est pas en cause mais peut on espérer, à la veille d’une échéance majeure, le succès d’un(e) candidat(e) qui, porteur d’un diagnostic solide quant à l’état du pays, sera en mesure, au nom de l’intérêt général, d’échapper à la bien-pensance imposée par la médiacratie et aux blocages nés de corporatismes devenus obsolètes.

Philippe Conrad

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Livres : le débat. La République, une question française, par Chantal Delsol https://www.la-nrh.fr/2003/01/livres-le-debat-la-republique-une-question-francaise-par-chantal-delsol/ https://www.la-nrh.fr/2003/01/livres-le-debat-la-republique-une-question-francaise-par-chantal-delsol/#respond Thu, 02 Jan 2003 14:00:04 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=826
Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de Chantal Delsol La République, une question française, publié aux PUF.]]>

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°4, janvier-février 2003. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Chaque numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire soumettra un livre important à un débat. Celui-ci sera introduit par la libre présentation qu’en fera un écrivain ou un historien. Il sera suivi par l’expression de deux points de vue différents. Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de Chantal Delsol La République, une question française, publié aux Presses universitaires de France (2002, 150 p., 15 €).

Ancienne élève de Julien Freund, professeur de philosophie à l’université de Marne-la-Vallée, auteur de nombreux essais et de travaux sur Althusius, Chantal Delsol est mère de famille et catholique pratiquante. Elle a milité dans une association d’aide aux immigrés.

La République est-elle condamnée ? C’est la question posée dans cet essai qui diagnostique l’étouffement du politique sous l’édredon de l’hédonisme. Pour combien de temps ? Par Charles Vaugeois

Chantal Delsol La République, une question française

Chantal Delsol La République, une question française

Les idées bougent, les hommes aussi. C’est ce que signale entre autres l’essai médiatisé de Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires (Seuil). S’en prenant à ses anciens amis soixante-huitards qui ont perdu leurs illusions, il les qualifie de « nouveaux réactionnaires », ce que les intéressés apprécient peu. Jadis, Lindenberg s’était cassé les dents lors d’une autre polémique visant Georges Dumézil, dont il avait falsifié des citations. Cette escroquerie avait été vertement dévoilée par Didier Eribon (Faut-il brûler Dumézil ? Flammarion, 1992).

C’est un propos d’un tout autre calibre qui anime l’essai vigoureux de Chantal Delsol, riche en réflexions sur la France, l’Europe et la modernité. Mais on trouve aussi, en plus subtile, l’idée d’un retournement réactionnaire d’anciens progressistes.
Autrefois centre du monde, habituée à donner le ton, la France découvre qu’elle est marginalisée, que son « modèle républicain » n’intéresse plus personne. Tel est le premier constat.

Pour l’auteur, en dépit des apparences, la République française n’est démocratique que de nom. Elle utilise les techniques de la démocratie, mais refuse tout véritable débat démocratique. La parole est confisquée par les élites républicaines. À la façon de l’avant-garde léniniste, ces élites prétendent connaître le bien du peuple mieux que le peuple lui-même pour qui elles n’ont que mépris. Or, cette République traverse une crise que l’auteur croit fatale. Depuis que la fin de l’URSS, la victoire du libéralisme et la construction européenne ont mis à mal le modèle jacobin unitaire et centralisateur, il est en voie de démantèlement. Lui qui avait fondé son succès sur sa prétention à représenter le progrès et la modernité, se trouve frappé de décrépitude. Les républicains voient le sable disparaître sous leurs pieds. « La résistance qu’ils opposent à des forces irrésistibles les fait apparaître comme des conservateurs, des réactionnaires. » Ce sont maintenant les libéraux et les girondins qui sont modernes.

L’utopie jacobine recélait une contradiction qui éclate aujourd’hui. La philosophie individualiste des « droits de l’homme » s’oppose en effet aux exigences d’une finalité républicaine supérieure aux individus. L’hédonisme ambiant ayant dissous les finalités collectives, la République n’engendre désormais que cynisme et corruption, ce qui fait apparaître ses prétentions morales comme une imposture. Le système laïque et unitaire est également rongé de l’intérieur par une dérive communautariste, conséquence de la politique d’immigration-peuplement. Mais, sur cette question, Mme Delsol fait l’impasse.

Condamnée par une évolution que l’auteur juge inéluctable, la République se crispe, mentant à elle-même et sur elle-même. Son élite nombreuse, sorte de cléricature laïque, vit en parasite sur le gâteau français. Elle n’a aucune envie d’abandonner ses privilèges. Selon Mme Delsol, les résistances seront néanmoins balayées par le triomphe général de l’individualisme.

L’auteur pense que nous sommes entrés dans une ère nouvelle qui voit triompher les démocraties marchandes, dominées par la satisfaction des appétits, à l’exclusion de toute finalité collective. Rarement les libéraux avaient développé leur logique à ce point. À moins de sombrer dans l’anarchie et la guerre de tous contre tous, théorisée par Hobbes, l’existence d’une société politique suppose un minimum de finalités supérieures à celles des individus. On a le sentiment que Mme Delsol, cédant à un doux irénisme, croit à la fin de l’histoire et à la dissolution du politique dans le marché.
Les petits États n’auraient même plus besoin d’armées. « Ils peuvent compter sur l’opprobre jeté sur les guerres de conquête ».

Qu’en pensent les Palestiniens, les Tchétchènes ou les Irakiens ?
Il ne suffit pas de craindre le conflit et de désirer la paix pour l’obtenir. On n’est jamais seul en ce monde.

En raison même de leur déchéance et de leur veulerie de riches héritiers, les Européens sont exposés à des convoitises et à des menées hostiles, dont l’islamisme immigré n’est pas la seule figure. Dès lors, les menaces se précisant, il se pourrait bien que les finalités collectives reviennent en force sous des formes inusitées.

Le point de vue de… Louis Sorel

Professeur agrégé d’histoire et de géographie.

Avec l’effondrement du marxisme-léninisme, les « valeurs républicaines » sont devenues l’alpha et l’oméga de la politique française. Philosophe et catholique, Chantal Delsol analyse la république en termes de décadence et fonde ce diagnostic sur une réflexion d’ordre anthropologique.

La République, dit-elle, est une religion séculaire – un « monisme politico-religieux » – impliquant une conception abstraite de l’homme : un individu délié de toute appartenance ethnoculturelle. Cette anthropologie rêvée ne résiste pas à l’épreuve du réel. Égalitarisme, envie et ressentiment dominent la société française et une « élite désarrimée » monopolise le sacro-saint intérêt général (l’« universel éthico-politique »).

En contrepoint, Chantal Delsol esquisse l’anthropologie des démocraties fédérales où les libertés des citoyens seraient tempérées par une forme de sagesse empirique (la prudence aristotélicienne). La solidarité s’exerce entre personnes singulières, dans le cadre de communautés concrètes. Point de dithyrambe toutefois. La « modernité tardive » exerce aussi ses ravages au-delà des frontières françaises.

On s’étonnera pourtant du contenu des critiques formulées à l’encontre du citoyen enraciné des sociétés fédérales. Faut-il regretter que, l’illusion d’une fin de l’histoire se dissipant, l’« espérance » cède le pas à l’enracinement dans « le proche, le visible, les formes de la vie concrète » ? L’espérance est une vertu théologale ; sa sécularisation n’a jamais accouché que de millénarismes meurtriers et de progressismes dévastateurs.

Autre point d’étonnement : la référence à une « philosophie des droits » enracinée dans la transcendance. Posés comme universels et immortels, les droits de l’homme ne renvoient-ils pas à une idéologie anthropocentrique en rupture avec la tradition catholique qui est celle de l’auteur ? « Vous n’êtes pas à vous-même », admoneste saint Paul. Relié à Dieu et inscrit dans des communautés naturelles, le chrétien est un obligé. Il a des droits à proportion de ses devoirs. À l’inverse, dénaturé et fermé à la grâce divine, l’homme des « droits de l’homme » en est la parodie.

« Dieu, écrit Bossuet, se rit de ceux qui déplorent les maux dont ils continuent à chérir les causes. » Notre auteur est pourtant trop bonne philosophe pour faire preuve d’incohérence intellectuelle mais son « néo-conservatisme » se veut prudent et accommodant. À l’excès ?

Le point de vue de… Pierre de Meuse

Auteur de l’Essai sur les contradictions de la droite, L’Æncre.

On trouvera dans le petit ouvrage de Chantal Delsol une étude pleine d’érudition et de finesse sur la crise identitaire sans précédent que subit notre pays. Elle y expose sa critique du mythe républicain, de la prétention toujours déçue de l’esprit français à porter l’universel humain sur les épaules, et de l’idéal égalitaire qui l’anime. Sans concession, mais avec une indiscutable rigueur, elle diagnostique l’épuisement de la république jacobine, son hostilité irréductible à l’ordre social, aux élites locales, sa surdité méprisante aux aspirations populaires, son accaparement structurel par une petite aristocratie « cléricale » imprégnée d’une idéologie consubstantielle à son être.

À cette « république nobiliaire » en voie de désagrégation sur les ruines de l’État-Nation, elle oppose la démocratie fédérale, répondant au désir d’autonomie concrète des individus, seule capable de faire face aux nouvelles mœurs d’une Europe libérée à la fois des impératifs de survie et des promesses d’un homme nouveau véhiculées par des idéologies en faillite. Saluons donc sa critique, tout en restant réservé sur ses espérances.

En effet, si elle est diserte et convaincante sur la pensée républicaine, Chantal Delsol se garde bien de définir la démocratie, se bornant à en reproduire l’image floue que laisse un mot tellement usé qu’il en demeure privé de sens. Constatant l’avènement d’un consensus qui « ne veut plus débattre sur les fins, mais réclame l’autonomie des actes », l’auteur fait l’économie d’une critique de ce consensus, tant pour son aspect totalitaire et l’état de parias qu’il réserve à ceux qui s’en détournent que sur la fragilité d’une attitude qui refuse de voir les défis pour ne pas avoir à y répondre. L’histoire n’oublie pas, hélas ! les peuples qui en sont sortis.

Enfin, la fin de l’État-Nation, suite à un processus que Chantal Delsol détaille avec une indiscutable pertinence (la délégitimation des significations communes), ne conduit nullement, comme elle l’espère, à un nouveau fédéralisme. En effet, si cet effondrement est, comme elle l’explique, une conséquence de la prééminence des individus, on voit mal comment une fédération pourrait en émerger. Toute fédération suppose l’existence d’identités collectives indépendantes de ceux qui les composent (gemeinschaften), donc la persistance d’une mentalité holiste.

Sur ce point capital : l’existence des communautés historiques, Chantal Delsol ne nous répond guère, se bornant à se référer aux approximations de Mounier sur la personne humaine qui évacuent cette question délicate. Sans identités collectives reçues, la banqueroute des mythes fondateurs, si exécrables soient-ils, ne laissera subsister que le magma de l’indifférenciation. Il n’est pas nécessaire de les pleurer pour autant.

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Livres : le débat. La France en danger d’islam, par René Marchand https://www.la-nrh.fr/2002/11/livres-le-debat-la-france-en-danger-dislam-par-rene-marchand/ https://www.la-nrh.fr/2002/11/livres-le-debat-la-france-en-danger-dislam-par-rene-marchand/#respond Sat, 02 Nov 2002 14:00:16 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=818
Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de René Marchand La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista, publié à L’Âge d'Homme.]]>

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°3, novembre-décembre 2002. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Chaque numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire soumettra un livre important à un débat. Celui-ci sera introduit par la libre présentation qu’en fera un écrivain ou un historien. Il sera suivi par l’expression de deux points de vue différents. Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de René Marchand La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista, publié à L’Âge d’Homme (2002, 360 pages, 25 €).

René Marchand est ancien élève de l’École nationale des langues orientales. Il est licencié en langue et littérature arabe. Il a fait sa carrière dans l’audiovisuel comme journaliste, rédacteur en chef et producteur de radio et de télévision.

Éclairée par l’histoire et la connaissance du monde arabe, une analyse percutante de l’immigration, interprêtée comme une conquête islamiste de la France. Par Régis Constans

La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista

La France en danger d’islam, entre Jihâd et Reconquista

« La France deviendra musulmane, comme l’ensemble de la planète ! » Encore ultra-minoritaire il y a vingt ans, cette conviction d’un militant islamiste s’est désormais « installée parmi les musulmans de France », affirme René Marchand.

Ancien journaliste de radio et de télévision, puis enseignant et chef d’entreprise, ce dernier est un familier de la civilisation arabo-islamique qu’il n’a cessé de fréquenter, comme étudiant à l’École nationale des Langues orientales d’abord, au cours de sa carrière professionnelle ensuite, par intérêt personnel enfin. « Mon approche de l’islam a toujours été déférente, et elle le demeure, précise René Marchand. L’islam est, pour moi, une des plus grandes variétés de la civilisation. J’ai le devoir de le combattre s’il m’agresse. Je ne l’abaisserai jamais [… ] Je souhaite que mon pays le connaisse mieux, qu’il le respecte sans s’abaisser lui-même, qu’il échange avec lui hommes, idées, marchandises pour leur bénéfice commun. Rien d’autre. »

Or, constate-t-il, si la France est aujourd’hui « en danger d’islam », c’est non seulement à cause du poids de plus en plus lourd de la présence musulmane à l’intérieur de ses frontières, mais encore de l’incurie de nos élites politiques, économiques et intellectuelles face à ce phénomène.

Depuis quelques années, déjà, la France compte plus de musulmans (dont beaucoup sont devenus citoyens français) que la Libye, le Liban ou la Palestine. Et l’islam y est la deuxième religion par le nombre de pratiquants. À aucun moment, cette mutation sans précédent dans notre histoire, réalisée en moins de quarante ans, n’a été appréhendée en termes d’« opportunités et risques » par nos gouvernants. Aucun gouvernement, aucun responsable patronal ou syndical, aucun universitaire ou expert ne s’est avisé de mesurer les conséquences démographiques, politiques, économiques et culturelles à court, moyen et long terme de ce bouleversement.

Une inconscience, selon René Marchand, qui rappelle celle qui présida à la politique de la France en Algérie durant la période coloniale. En effet, à de rares exceptions près, le pouvoir politique, assuré de la supériorité intrinsèque et universelle du modèle français, se révéla incapable de saisir en profondeur les spécificités des populations musulmanes. Cet aveuglement empêcha de poser en temps voulu, à froid, la question de la décolonisation et d’organiser celle-ci au mieux des intérêts de chacun. On sait sur quelle tragédie cela déboucha.

Le précédent algérien n’a pas servi de leçon. Nos élites ont laissé s’installer sur notre territoire une communauté musulmane massive en témoignant de la même incompréhension de l’islam que leurs aînés. Refusant de considérer celui-ci dans sa réalité, elles ont continué de l’envisager à travers le prisme de leurs propres paradigmes jacobins. Approche ethnocentriste qui a fondé la pseudo politique d’« intégration ».

Héritée de l’Algérie française, celle-ci stipule que tout musulman installé en France a vocation à devenir citoyen français, à condition qu’il adopte un islam conforme aux exigences de sa nouvelle citoyenneté, autrement dit un islam « à la française », « moderne », respectueux des « valeurs de la République » et de la laïcité. Prétention insensée, souligne René Marchand, à l’heure de la renaissance, partout dans le monde, d’un islam conquérant et guerrier désigné sous le nom d’islamisme. Aux yeux des idéologues de l’« intégration », l’islamisme constitue une aberration qu’ils préfèrent minorer et diaboliser plutôt que d’y voir une volonté de réappropriation culturelle. Et d’abord, ils ne voient pas que l’islam, à la différence par exemple du christianisme, est une identité collective dont on ne peut sortir.

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Cet aveuglement les empêche de percevoir à sa juste mesure l’écho grandissant rencontré par l’islamisme auprès des musulmans de France.

La force des islamistes réside, notamment, dans leur capacité à analyser l’état de la France contemporaine : affaiblie politiquement, économiquement, culturellement, spirituellement, sans ressort moral, incapable d’un sursaut de vitalité. Et, contrairement à nos élites, eux ont retenu les leçons de la guerre d’Algérie. Celle-ci leur a enseigné que les gouvernements français nient les réalités, y compris lorsque surgit la catastrophe ; qu’ils s’inclinent devant la force ; qu’ils renient leur parole du jour au lendemain et abandonnent sans vergogne leurs propres concitoyens ou leurs partisans.

C’est pourquoi, estime René Marchand, notre pays réunit, aujourd’hui, toutes les conditions du Jihâd, la guerre de conquête intérieure. À moins que ne surgisse de la France profonde une réaction populaire aussi violente qu’inattendue. Au Jihâd répondrait, ainsi, une nouvelle Reconquista. Afin d’éviter une telle alternative, il conclut en exposant ce que pourrait être une Reconquista «  à froid », doublée d’une politique étrangère fondée sur le rapprochement avec le monde arabe.

Le point de vue de… Alain de Benoist

Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis. Il a reçu le Grand Prix de l’Essai de l’Académie Française pour Vu de droite (Labyrinthe).

Ceux qui s’inquiètent des pathologies sociales que fait naître une immigration massive et incontrôlée se partagent en général en deux camps : ceux qui pensent que les immigrés resteront et ceux qui croient qu’ils partiront (ou qu’on les fera partir). Comme un hypothétique départ n’est pas pour demain matin, ni même pour l’année prochaine, la question reste en toute hypothèse posée du statut que peut ou doit avoir dans l’immédiat la population issue de l’immigration. Les solutions possibles se ramènent à deux : l’assimilation sur une base exclusivement individuelle ou la reconnaissance dans la sphère publique des communautés existantes.

L’État-nation français, qui n’a jamais reconnu ses minorités – endogènes ou allogènes –, a toujours prôné la première solution. René Marchand, qui fait montre à l’égard des Corses d’un net jacobinisme, la tient lui aussi pour la seule concevable : il n’a pas de mots assez violents pour dénoncer ce qu’il appelle le « communautarisme ». Le problème est que, dans le cas des musulmans vivant en France, il estime que l’assimilation est irréalisable. En d’autres termes, il n’avance aucune solution. C’est une limite de son livre.

Livre courageux au demeurant, d’une sincérité passionnelle allant jusqu’au pathétique, et qui abonde en justes remarques (sur la nécessité, par exemple, de combattre à la fois l’ethnocentrisme et le relativisme), mais dont le point de départ peut être discuté. René Marchand fait observer que le Coran n’est pas susceptible d’interprétation. Il en déduit que l’islam est nécessairement le même en tous temps et en tous lieux, et que l’islamisme radical exprime la quintessence de cette essence : « L’islamisme, c’est l’islam. » C’est très exactement ce que dit aussi Ben Laden, qui souscrirait sans doute à tout ce qu’il y a dans ce livre, en se contentant de mettre au positif ce que l’auteur met au négatif ! Mais l’islamisme radical est-il vraiment un phénomène religieux – ou bien un phénomène politique sous habillage religieux, dont il s’agirait alors d’analyser les causes ?

Logique avec lui-même, René Marchand dénonce au passage, dans des pages très dures, la «  dinguerie » des partisans de l’Algérie française, qui déclarent aujourd’hui, comme il le fait lui-même, que l’islam n’est pas soluble dans la francité, mais qui voulaient avant 1962 « intégrer » au sein de la République dix millions de musulmans qui seraient aujourd’hui trois fois plus nombreux. C’est en effet une inconséquence. N’en est-ce toutefois pas une autre que de reprocher aux immigrés de ne pas vouloir s’assimiler quand on affirme en même temps qu’ils sont inassimilables ?

L’auteur préconise en conclusion un certain nombre de mesures de bon sens, auxquelles on ne peut que souscrire. Elles ne sauraient cependant régler le problème de fond tel qu’il a choisi de le poser. À plus long terme, l’auteur en tient pour une Reconquista « par voie démocratique et pacifique ». Autant dire pour un vœu pieux.

Le point de vue de… Antoine Moussali CM

Le Père Moussali a notamment publié La Croix et le Croissant (Éditions de Paris).

Enfin ! Un livre dont je rêvais, que je souhaitais, que j’attendais. Il vient nous sortir de la «  paranoïa » de la « pensée unique » ! Il se dégage de l’ouvrage un air de vérité, soucieuse de « considération, respect, justice », qui pose avec compétence et courage le problème tel qu’il doit être posé. L’avalanche de questions capitales exprimées (p. 8) avec pertinence, traduit la profondeur, l’étendue et la justesse de la réflexion à laquelle nous sommes conviés. Tout cela proposé avec force, non pas dans un but négatif d’exclusion ou de diffamation, mais pour aider à trouver des solutions positives à un problème qui a pris de court aussi bien les observateurs que les politiques, les sociologues et les hommes de religion par l’ampleur et la nouveauté d’une « donnée lourde », selon l’expression de l’auteur, qui, si on ne la saisit pas dans sa réalité vraie, risque de conduire à des conséquences qu’on aurait tort de sous-estimer.

« La guerre est-elle commencée ? » comme l’affirme l’auteur. Je le pense, comme lui… Il s’agit d’islamiser non seulement la France, mais l’humanité, la planète tout entière. Cela fait partie intégrante, essentielle de l’espérance messianique islamique qui « illumine », qui habite et soulève les peuples islamiques. L’auteur a raison d’affirmer que « l’islamisme, c’est l’islam ». Il ne s’agit pas de faire peur, il s’agit d’une réalité qu’il importe de regarder droit en face. Il s’agit d’une conviction inscrite au plus profond de l’inconscient aussi bien des « modérés », comme on dit, que des fondamentalistes, qui sont loin d’être une minorité, comme le chante H. Tincq dans Le Monde. L’islam est ontologiquement conquérant.

L’auteur ne se place pas au plan théologique ou doctrinal. Mais il n’y a pas de réalité anthropologique qui ne relève du théologique ! Peut-on parler d’intégration, d’assimilation ? Il n’est pas défendu de rêver ! La réalité est là qui nous prouve le contraire ! Qui ne se souvient de la phrase de Boumediene adressée aux Français : « Nous vous conquerrons avec le ventre de nos femmes ! » Tout musulman est foncièrement communautariste ! S’intégrer à une nation qu’il considère comme décadente ? S’intégrer pour faire partie d’une nation, alors qu’on est citoyen de la « Umma » (l’Internationale islamique) ? Allons donc ! « Islamiser la France » et toute la planète, cela s’inscrit dans un plan à réaliser à long terme et qui est en cours ! Le jihâd (et qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit avant tout d’effort moral et spirituel) est en cours. Les réseaux de toutes sortes sont en place et ce n’est pas l’argent qui manque !

Que faire ? Se résigner à une situation qui nous échappe ? L’auteur nous indique quelques pistes et, en tout premier lieu, la nécessité de mieux connaître l’autre, sa langue, sa culture, sa religion, son histoire, ses guerres, ses Écritures, ses interprétations, l’esprit centripète de l’islam pour qui évoluer veut dire revenir au centre, au fondement historique de la tradition. Nécessité de comprendre l’islam tel qu’il est et non pas un islam rêvé, prendre ses distances par rapport à des poncifs comme les fils d’Abraham, les religions du Livre, les trois monothéismes, l’islam tolérant, les dhimmis…

Et que l’on cesse de faire l’amalgame entre les immigrés venus de l’Europe et ceux venus de l’islam. Ceux-là partageaient la culture occidentale et n’ont eu aucun mal à se couler dans la population française et à s’y assimiler. Les immigrés de l’islam sont étrangers à la culture occidentale et à la francité pour lesquelles ils ont une aversion viscérale. Ce qui rend impensable l’idée d’une assimilation culturelle.

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