Néron – La Nouvelle Revue d'Histoire L'histoire à l'endroit Fri, 29 Jul 2016 04:03:18 +0000 fr-FR hourly 1 Murena. Et Rome flamba… /2011/03/murena-et-rome-flamba/ /2011/03/murena-et-rome-flamba/#respond Tue, 01 Mar 2011 16:00:55 +0000 /?p=1231 Murena. Et Rome flamba...
Rome, Juillet 64. Il a suffi d’un geste de colère et Lucius Murena a tenu sa vengeance : la Ville flambe… ]]>
Murena. Et Rome flamba...
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°53, mars-avril 2011. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.
Murena. Revanche des cendres

Murena. Revanche des cendres

Rome, Juillet 64. Il a suffi d’un geste de colère et Lucius Murena a tenu sa vengeance : la Ville flambe…

Un désastre qui, mais Murena le comprend trop tard, atteint d’abord les innocents, et révèle les pires, ou les meilleures, facettes des êtres.

Tandis que Lucius se découvre moins noble qu’il le pensait, Néron, objet de toutes ses haines, fait preuve d’une grandeur et d’un courage inattendus. Un temps au moins…

Ce huitième opus clôt un nouveau cycle de cette bande dessinée ambitieuse et réussie, en liquidant quelques seconds rôles et laissant face à face les deux protagonistes, plus que jamais en proie au doute et à leurs contradictions intimes.

L’incendie de la Ville, qui occupe un tiers de l’album, est superbement rendu.

À propos de

Murena. Revanche des cendres, chapitre VIII, Jean Dufaux et Philippe Delaby, Dargaud, 45 p., 12,50 €

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Yann Le Bohec, le « miracle romain » /2010/11/yann-le-bohec-le-miracle-romain/ /2010/11/yann-le-bohec-le-miracle-romain/#respond Mon, 01 Nov 2010 10:00:32 +0000 /?p=471 La Nouvelle Revue d'Histoire
Professeur d’histoire romaine à l’Université Paris-IV Sorbonne, Yann Le Bohec est aujourd’hui l’un des historiens majeurs de l’armée romaine. Dans l’entretien que nous publions, il révèle ce qu’il lui a fallu d’acharnement pour triompher de tous les obstacles, dans l’université de sa jeunesse, pour imposer un tel sujet d’étude. ]]>
La Nouvelle Revue d'Histoire
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°51, novembre-décembre 2010. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Professeur d’histoire romaine à l’université Paris-IV Sorbonne, Yann Le Bohec est aujourd’hui l’un des historiens majeurs de l’armée romaine. Dans l’entretien que nous publions, il révèle ce qu’il lui a fallu d’acharnement pour triompher de tous les obstacles, dans l’université de sa jeunesse, pour imposer un tel sujet d’étude. Dans la deuxième partie de cet entretien, s’appuyant sur les travaux du grand savant allemand que fut Theodor Mommsen et sur toutes les connaissances accumulées depuis, il offre une clé lumineuse pour expliquer la longue permanence du « miracle romain » sous l’Empire, en dépit d’un certain nombre d’empereurs souvent qualifiés de « fous ».

La Nouvelle Revue d’Histoire : Votre famille vous a-t-elle influencé d’une façon ou d’une autre, dans votre choix de devenir historien ?

Yann Le Bohec : Je suis né à Carthage où j’ai passé mon enfance. Il est possible que ce haut lieu de l’Antiquité ait contribué de façon inconsciente à mes futures orientations. Mais ma famille a joué peu de rôle. C’est plutôt dans le cours de mes études que mes choix se sont peu à peu dessinés. Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours été vivement intéressé par l’histoire. C’est en khâgne à Louis-le-Grand que j’ai découvert que l’histoire de l’Antiquité m’intéressait plus particulièrement. J’aurais pu choisir tout aussi bien la philosophie ou l’étude des lettres classiques. Mais finalement j’ai opté pour l’histoire qui me semblait une discipline plus objective et plus scientifique.

NRH : Pourquoi cet intérêt pour l’Antiquité ?

YLB : Très tôt, j’ai eu conscience que la civilisation européenne était en germe dans l’antiquité gréco-romaine, tant dans les matières philosophique, artistique architecturales et politique. Les hommes de l’Antiquité ont posé toutes les questions traitées ultérieurement dans l’époque moderne et contemporaine. Nous vivons toujours sur les bases de l’Antiquité.

NRH : Au cours de vos études, un maître a-t-il particulièrement compté pour vous ?

YLB : J’ai eu plusieurs excellents professeurs. Notamment Lucien Genet, en khâgne, qui avait un remarquable talent pédagogique. À la Sorbonne, j’ai eu tous les grands professeurs de l’époque entre autres William Seston pour l’Antiquité romaine. C’était un protestant austère, un esprit d’une grande honnêteté qui savait rendre passionnants les sujets les plus rébarbatifs.

NRH : Qu’est ce qui a déterminé chez vous le choix de l’Antiquité romaine plutôt celui que de l’Antiquité grecque ?

YLB : Il se trouve qu’à l’époque il y avait peu de bons professeurs d’histoires grecques à la Sorbonne. L’excellent helléniste qu’était François Chamoux était professeur de littérature et de civilisation, mais il n’enseignait pas l’histoire. Par contre, en histoire romaine il y avait William Seston et Henri-Irénée Marrou, deux personnalités tout à fait remarquables. Cependant Marrou était spécialiste de l’Antiquité tardive qui m’intéressait moins, c’est pour cela que je me suis orienté vers William Seston.

NRH : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’histoire de l’armée romaine dont vous êtes devenu le principal spécialiste.

YLB : Comme je vous le disais, je suis né et j’ai vécu en Tunisie. L’armée romaine y avait laissé des traces inoubliables. Lors de mes études je me suis rendu compte que le sujet avait été très peu étudié. Ce qui me semblait surprenant vue l’importance de cette institution dans l’histoire de la Ville. C’est ainsi que m’est venu l’idée de préparer un mémoire de maîtrise sur le sujet. Mais quand j’ai proposé à William Seston ce projet de mémoire il n’a pas voulu en entendre parler. J’avoue qu’à l’époque, je n’ai pas très bien compris ses réticences. Sur ses conseils, j’ai pris comme sujet de mémoire Les Prêtres du culte impérial en Afrique romaine. Par la suite, j’ai préparé l’agrégation, puis j’ai souhaité entreprendre une thèse. Comme William Seston prenait sa retraite, il m’a orienté vers Marcel Le Glay. J’ai proposé à celui-ci le sujet que j’avais en tête sur l’armée romaine. Ce à quoi il m’a répondu : « Faites-le si vous le souhaitez, mais avec un tel sujet, vous n’entrerez jamais dans l’Université, vous aurez l’étiquette de fasciste ».

NRH : C’est curieux comme remarque !

YLB : Non, à l’époque, cela n’avait rien de curieux. Il faut se replacer dans le contexte. Nous étions peu après 1968 et le marxisme régnait en maître dans l’enseignement.

NRH : Qu’est-ce que les professeurs marxistes aimaient ou détestaient dans Rome ?

YLB : Ils n’aimaient rien et ils détestaient tout. Je vais vous donner un exemple. Il y avait à cette époque une historienne aujourd’hui disparue, Moussa Raskolnikov qui était, vous l’avez compris, d’origine russe. Elle avait fait une thèse sur l’histoire romaine en Union soviétique. Elle a découvert que le sujet était en effet étudié, mais à deux conditions toutefois : ne jamais lire les auteurs antiques et utiliser les auteurs modernes appelés « bourgeois » pour les critiquer. Cela donne une idée de l’approche marxiste de l’histoire romaine.

NRH : À vous entendre, l’influence marxiste semblait dominante dans l’Université ?

YLB : En effet. Je m’étais diverti à distinguer trois degrés de marxisation. Tout d’abord, le marxiste de base qui arrivait en cours avec L’Humanité sous le bras et qui posait ostensiblement ce journal sur son bureau. C’était le cas d’Albert Soboul qui faisait un cours sur Napoléon. Il le commença en disant : « Je ne sais pas qui a gagné la bataille d’Austerlitz et je ne veux pas le savoir ». Cela signifiait que pour un marxiste, l’histoire militaire était sans intérêt. La deuxième catégorie était représentée par Jacques Droz, que, par ailleurs, j’aimais beaucoup. Il commençait ses cours en disant : « Je ne suis pas marxiste mais… » Puis il y avait une troisième catégorie représentée par un professeur de géographie dont je ne dirai pas le nom. C’était un homme de droite qui, inconsciemment, était imprégné d’idéologie marxiste. Son cours portait sur la sidérurgie en Chine et il véhiculait naïvement la propagande maoïste au sujet des hauts fourneaux de village qui, assurait-il, allaient permettre à la Chine de devenir le premier producteur mondial d’acier. On sait ce qu’il en a été…

NRH : Pour revenir à vos projets, dans ces conditions, qu’avez-vous fait ?

YLB : J’ai eu de la chance. À cette époque, un de mes collègues qui était d’extrême gauche, Patrick Le Roux, travaillait à une thèse sur l’armée romaine en Espagne. Je suis donc retourné voir Marcel Le Glay en l’informant de ce travail. Le Roux n’étant pas suspect de fascisme, il n’y a donc pas de raison pour que je le sois en traitant un sujet comparable. Sur les conseils de William Seston, Le Glay me recommanda cependant d’étudier la part sociale du sujet et de ne pas m’orienter sur une étude strictement militaire.

NRH : C’était l’époque où dominait l’interprétation économique et sociologique de l’École des Annales ?

YLB : Dans l’Université, à cette époque beaucoup d’historiens étaient en effet influencés par cette interprétation qui répudiait l’histoire événementielle.

NRH : Finalement, vous êtes parvenu à mener à bien votre thèse sur L’Armée romaine sous le Haut-Empire. Comment a-t-elle été reçue ?

YLB : Il s’agissait, vous l’avez compris, d’une thèse d’État, ce qui n’existe plus aujourd’hui. Elle exigeait en principe au moins une dizaine d’années de travail. En ce qui me concerne, j’avais mis un point d’honneur à l’achever et à la soutenir avant la fin de ce délai habituel de dix ans. Elle fut bien accueillie, sans doute parce que la thèse de Le Roux avait frayé la voie. Dans cette même période, les progrès de l’archéologie avaient fait découvrir en grand nombre des traces de fortifications, de camps, et d’équipements militaires, qui demandaient une explication historique. On ne pouvait donc plus passer sous silence la question de l’armée romaine.

NRH : Au cours des siècles, comment a évolué le regard historique porté sur la Rome antique ?

YLB : La connaissance de l’histoire romaine a naturellement fait un retour important à partir de la Renaissance italienne. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de transmission durant le Moyen Âge. Les clercs n’ont pas cessé de recopier les textes antiques en latin. De cette façon, c’est un savoir important qui a été sauvé et transmis par les monastères chrétiens sans aucune intervention des bibliothèques islamiques comme on le dit parfois. Par ailleurs, Byzance avait conservé une grande partie de l’héritage grec. Et c’est par l’intermédiaire de Byzance que cet héritage est parvenu en Occident, avant même la prise de Constantinople par les Ottomans au XVe siècle.

NRH : Quelle distinction faisait-on jadis entre l’héritage grec et l’héritage latin ?

YLB : En Europe, durant tout le Moyen Âge, c’est l’héritage latin qui avait été privilégié au détriment du grec parce que la langue de l’Église était le latin. C’est donc à partir de la Renaissance que l’on prend de nouveau en compte l’héritage grec. L’un des grands moments a été la traduction en français de Plutarque par Amyot à l’initiative de Marguerite de Navarre, la sœur de François Ier. On sait que Plutarque compare deux à deux des héros grecs et des héros romains.

NRH : Qu’attendait-on de l’héritage grec ?

YLB : D’une façon générale, on y cherchait nos sources. Que ce soit en littérature, en philosophie, en histoire, en architecture et d’une façon plus générale dans le domaine artistique. Et cela n’a plus cessé.

NRH : On parle toujours du miracle grec mais ne pourrait-on pas parler aussi d’un miracle romain ? Comment un tout petit peuple du Latium a-t-il d’abord conquis l’Italie puis l’ensemble du monde de l’époque, c’est-à-dire le pourtour de la Méditerranée ?

YLB : Vous avez raison, on pourrait parler d’un miracle romain, bien qu’il ne s’agisse sans doute que d’un demi miracle puisque les Romains ont largement hérité de la civilisation grecque.

NRH : Mais d’autres peuples ont été également très influencés par la Grèce. Qu’est ce qui explique la puissance conquérante de Rome ?

YLB : C’est un sujet auquel j’ai beaucoup réfléchi. Je vais vous résumer mon hypothèse. Pendant près de quatre siècles, depuis leurs origines, les Romains, petit peuple italiote certainement très doué, a vécu sous la menace permanente de ses voisins et a failli disparaître bien des fois. Il est vraisemblable qu’ils doivent leurs capacités de résistance à leur organisation militaire et leurs aptitudes politiques, mais surtout à leur système aristocratique. Il faut insister sur ce point souvent méconnu, les Romains n’ont jamais connu de près ou de loin la démocratie. La République romaine était un système aristocratique et l’Empire sera lui-même une monarchie de type aristocratique, je vais y revenir. Cette aristocratie n’a pas cessé d’être la colonne vertébrale de l’État romain.

Lors de la fameuse crise qui se développe à partir de 133 av. J.-C., on dit souvent que deux partis politiques s’opposaient, des réformistes et des conservateurs. Le terme est tout à fait impropre. Les deux partis en question étaient l’un et l’autre dirigés par des aristocrates. Ceux que l’on appelait les Populaires dirigés par Tiberius et Caïus Gracchus, étaient des aristocrates réformateurs, partisans d’une loi agraire favorable aux hommes libres sans terres. En face les Optimates étaient des aristocrates conservateurs, hostiles à cette loi agraire. Mais, contrairement à une interprétation anachronique, les Gracques n’étaient en rien des démocrates ni des révolutionnaires. Leurs successeurs, César, Antoine et Octave, étaient des Populaires. Le conflit qui opposa Antoine et Octave était purement personnel et n’avait aucun contenu idéologique. Octave, plus tard devenu Auguste, instaura une monarchie en remplacement de la République, tout en respectant le principe aristocratique.

NRH : En quoi ce pouvoir aristocratique a-t-il favorisé la victoire et la domination des Romains sur les autres peuples ?

YLB : À la différence de beaucoup d’autres, le peuple romain, le populus romanus était constitué d’hommes libres. Et l’armée était elle-même constituée à l’origine de citoyens libres qui apportaient leur propre armement, du plus riche au plus pauvre, ce qui est à l’origine de la distinction entre l’infanterie lourde des légions, l’infanterie légère et la cavalerie. Il faut ajouter un trait psychologique qui n’a pas cessé de caractériser le peuple romain. En matière de politique intérieure et en matière culturelle, ce peuple était profondément conservateur. En revanche, dans le domaine militaire mais aussi dans ses relations avec les autres peuples, il a toujours manifesté une extraordinaire faculté d’adaptation et un remarquable empirisme.

NRH : À quoi songez-vous particulièrement ?

YLB : Contrairement à d’autres peuples, quand ils avaient vaincu l’un de leurs voisins, ils ne les massacraient pas ni ne les réduisaient en esclavage, mais ils leur accordaient la citoyenneté. Pour les peuples de la péninsule italienne, ce traitement était favorisé par une certaine proximité ethnique et par des mariages antérieurs entre les membres des aristocraties respectives. Ce procédé fut également adopté ultérieurement à l’égard des Celtes ou des Germains. En élargissant de cette façon la citoyenneté aux vaincus, l’État romain disposa d’une armée de plus en plus importante. Au Ier siècle av. J.-C., son potentiel était environ 900 000 hommes, ce qui lui conférait une supériorité écrasante sur tous les autres États du monde méditerranéen.

NRH : Avant le déclin qui conduira à la chute de l’Empire, l’un des mystères est l’étonnante permanence du miracle romain, en dépit de quelques empereurs fous. Comment expliquez-vous cette durée de la grandeur romaine ?

YLB : L’explication principale tient à la permanence de l’aristocratie romaine dont j’ai déjà parlé. Il ne faut pas imaginer le système impérial comme une monarchie absolue. Il s’agissait en réalité d’une monarchie tempérée d’aristocratie patriarcale. Son appellation réelle était le Principat. Ce mot vient du latin princeps, « premier ». L’empereur n’étant que le premier des sénateurs. Il exerçait le pouvoir au quotidien, mais il y associait le Sénat en tant qu’institution, ainsi que de nombreux sénateurs, les patres (pères). Certes, il lui arrivait de se soustraire au Sénat. Mais les sénateurs se vengeaient. Ils ont d’ailleurs contribué à établir la réputation des empereurs qu’ils n’aimaient pas et des autres. C’est aux sénateurs que l’on doit notamment la réputation de bon empereur de Trajan qui respectait le Sénat. À l’inverse, les sénateurs ont établi la réputation exécrable de Néron, Domitien ou Commode, dont l’illustre assemblée avait eu à souffrir. La réalité trop souvent méconnue est que les sénateurs pesaient d’un poids considérable dans la vie et l’administration de l’Empire. Non seulement, ils possédaient des richesses importantes mais ils fournissaient aussi tous les cadres supérieurs de l’armée et de l’administration. L’une des raisons est qu’ils jouissaient d’une sorte de monopole de la culture, de la connaissance du droit, de l’art de la guerre et de celui du gouvernement des hommes.

NRH : C’est une chose peu connue que le rôle des sénateurs dans la hiérarchie militaire.

YLB : Ce sont eux en effet qui fournissait tous les cadres supérieurs. À la tête de chaque armée, se trouvait un légat impérial propréteur qui était un ancien consul, donc un sénateur. À la tête de chaque légion se trouvaient deux officiers supérieurs, le légat impérial et son adjoint direct, le tribun laticlave, également d’origine sénatoriale.

NRH : Dans le domaine politique et administratif, quels étaient les fonctions des sénateurs ?

YLB : À Rome, ils rendaient la justice, géraient les finances, dirigeaient l’administration et les services techniques. C’est parmi eux que l’empereur choisissait le préfet de Rome, sorte de maire de la Ville. C’est encore parmi les sénateurs que se recrutaient les préteurs qui disaient le droit. Et l’on sait quelle était l’importance du droit dans la société romaine ! C’est encore eux qui géraient l’important trésor du Sénat et le trésor militaire. Dans les provinces de l’Empire, sauf dans les plus petites, tous les gouverneurs étaient issus de l’aristocratie. Dans toutes leurs entreprises de conquête, les Romains se sont toujours appuyés sur les aristocraties locales contre les mouvements d’inspiration démocratique.

L’aristocratie sénatoriale romaine assurait donc à tous les niveaux, politiques, administratifs ou militaires la continuité de l’empire.

NRH : Comment serait-il possible de caractériser l’esprit de l’aristocratie romaine ?

YLB : Il est difficile aujourd’hui de comprendre ce qu’était une mentalité qui a complètement disparu de notre horizon. Il est difficile de comprendre que les aristocrates romains avaient un code de conduite impliquant le respect de leur parole (fides), le souci de leur dignité (dignitas), le mépris de la mort et son acceptation jusqu’au suicide.

Cela est illustré par l’histoire de Regulus. Homme politique et général romain, consul en 256 avant notre ère durant la première guerre punique, il remporta sur les Carthaginois, une importante victoire navale en Sicile, puis il débarqua en Afrique où, après des succès initiaux, il fut capturé. En -250, les Carthaginois le libérèrent sur parole afin qu’il aille négocier à Rome un échange de prisonniers. Il s’engagea à revenir en cas d’échec. Devant le Sénat, il prit la parole pour dissuader les Romains de conclure une paix honteuse selon le code romain de l’honneur, puis, malgré les supplications des siens, il revint à Carthage se constituer prisonnier afin de respecter sa parole. Les Carthaginois le firent périr dans d’horribles supplices.

Cette histoire extraordinaire n’est pas la seule. Les Romains n’avaient aucune considération pour les prisonniers de guerre que le droit privait même de leur qualité de citoyens. Selon le mot de Plutarque : « Rome n’avait que faire des lâches… »

Propos recueillis par Pauline Lecomte

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Repères biographiques

Yann Le Bohec

Après avoir enseigné dans les universités de Grenoble et de Lyon III, Yann Le Bohec est aujourd’hui professeur d’histoire romaine à la Sorbonne Paris-IV. Il a consacré sa thèse de doctorat à La Troisième Légion Augusta (CNRS, 1989, Prix de l’Académie d’Aix-en-Provence). Parmi ses nombreux ouvrages, on peut signaler particulièrement, L’Armée romaine sous le Haut-Empire (Picard, 1989/2002, ouvrage traduit en italien, espagnol, allemand et russe). César aux PUF, (Que sais-je ? n°1049, 1994) a été notamment traduit en chinois. Histoire militaire des guerres puniques, a été publiée au Rocher en 1996 (2e édit., 2003). César chef de guerre, a été publié au Rocher en 2001. L’armée romaine sous le Bas-Empire (2006) a été couronné par l’Académie française. Son étude sur La « bataille » du Teutoburg, 9 après J.-C., a été publiée à Nantes en 2008. On peut encore ajouter à cette liste L’Armée romaine dans la tourmente. Une nouvelle approche de la « crise du IIIe siècle », Le Rocher, 2009, ouvrage couronné par l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres.

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Murena /2010/09/murena-une-vie-de-feu/ /2010/09/murena-une-vie-de-feu/#respond Wed, 01 Sep 2010 16:00:49 +0000 /?p=1233 Murena
En ce torride mois de juillet 64, la moindre étincelle suffira à mettre le feu à toutes les passions, et même à la Ville…]]>
Murena
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°50, septembre-octobre 2010. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Disgracié par Néron, Lucius Murena, revient clandestinement à Rome, décidé à se venger : retour qui, malgré ses précautions, ne peut passer inaperçu.

L’aide de sa cousine, la vestale Rubria, ne suffira pas à le défendre de la haine du jeune César à l’équilibre mental de plus en plus précaire. En ce torride mois de juillet 64, la moindre étincelle suffira à mettre le feu à toutes les passions, et même à la Ville…

Exceptée une erreur de détail – les vestales coupables n’étaient pas brûlées mais ensevelies vives à la Porte Colline – la reconstitution de la Rome néronienne est toujours aussi réussie, l’intrigue aboutie, les caractères affirmés, la personnalité de Néron remarquablement crédible.

Signalons en parallèle la réédition, en version latine sans sous-titrage, du premier tome, La Pourpre et l’or, Murex et aurum, traduit, et adapté, souvent avec humour, par Claude Aziza et Cathy Rousset. De quoi réjouir les latinistes.

À propos de

Murena, chapitre VII, Vie des feux (56 p., 11,50 €), Murex et aurum (72 p., 15,50 €), Jean Dufaux et Philippe Delaby, Dargaud, 45 p., 12, 50 €

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Quo vadis ? De Henryk Sienkiewicz /2002/11/quo-vadis-de-henryk-sienkiewicz/ /2002/11/quo-vadis-de-henryk-sienkiewicz/#respond Fri, 01 Nov 2002 14:40:33 +0000 /?p=2314 Quo vadis ? De Henryk Sienkiewicz
En 1900, La Revue Blanche publiait le dernier livre du Polonais Henryk Sienkiewicz, déjà très connu chez lui pour ses romans patriotiques. L’œuvre vaudra à son auteur une gloire internationale, puis le prix Nobel de littérature.]]>
Quo vadis ? De Henryk Sienkiewicz
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°3, novembre-décembre 2002. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

En 1900, La Revue Blanche publiait le dernier livre du Polonais Henryk Sienkiewicz, déjà très connu chez lui pour ses romans patriotiques. L’œuvre vaudra à son auteur une gloire internationale, puis le prix Nobel de littérature.

Quo vadis ? Par Henryk Sienkiewicz

Quo vadis ? Par Henryk Sienkiewicz

La fortune de Quo vadis ? commençait. Ce « roman des temps néroniens » avait, il est vrai, de quoi fasciner. Sous des dehors sages et dévots, ses pages charriaient torrentueusement des idées qui l’étaient beaucoup moins. À bien y regarder, le personnage le plus fascinant n’était pas la délicate Lygie, ni le beau Marcus Vinicius qui se convertissait au Christ pour l’amour de la jeune captive barbare, mais Pétrone, le sulfureux auteur du Satiricon, l’arbitre des élégances de la cour de Néron, agnostique convaincu et charmant. Néron lui-même, tout monstre que Sienkiewicz le peignait, avait une étonnante présence. Tant et si bien que ce roman chrétien pouvait, et Montherlant qui en raffolait ne se privait pas de le démontrer, être lu comme une apologie du paganisme. Quant aux scènes de martyres, morceaux d’anthologie, elles réservaient des surprises tant elles dégageaient un érotisme subtil pimenté d’un évident sadisme. Tout cela explique le triomphe du livre, et sa durée.

Deux rééditions de Quo vadis ? viennent de paraître. En version intégrale, enfin, la traduction d’origine, et la seule disponible jusque-là, ayant été amputée d’un cinquième du texte. La première est en format classique, tirée sur un beau papier. Le roman a été entièrement retraduit, fort bien. La seconde est une édition de poche, plus abordable et accompagnée d’un appareil de notes énorme, presque trop car il finit par compliquer la lecture au lieu de la simplifier. Pris entre la nécessité de restaurer la version intégrale du roman, le regret de renoncer à la fabuleuse traduction 1900 et la volonté maladroite de la moderniser, l’éditeur est arrivé à un résultat peu satisfaisant, laissant une impression de rapiéçage.

À propos de

Quo vadis ? Par Henryk Sienkiewicz, Buchet-Chastel, 705 p., 23 €, Livre de poche, 703 p., 7,60 €

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