Européens – La Nouvelle Revue d'Histoire https://www.la-nrh.fr L'histoire à l'endroit Tue, 22 Aug 2017 11:56:13 +0000 fr-FR hourly 1 Éditorial et sommaire du HS n°11 (automne-hiver 2015) https://www.la-nrh.fr/2015/12/editorial-et-sommaire-du-hs-n11-automne-hiver-2015/ https://www.la-nrh.fr/2015/12/editorial-et-sommaire-du-hs-n11-automne-hiver-2015/#respond Sat, 05 Dec 2015 09:00:25 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=2778 Éditorial et sommaire du HS n°11 (automne-hiver 2015)
Privés de la connaissance de leur passé par la ruine à peu près accomplie de l’enseignement de l’histoire, interdits de mémoire commune du fait des dangers que pourrait receler celle-ci, les Européens se voient assigner la place de simples provinciaux passifs et consentants au sein du grand marché mondial légitimé par l’utopie libérale.]]>
Éditorial et sommaire du HS n°11 (automne-hiver 2015)

Qui sont les Européens ?

Il y a quelques années, Samuel Huntington se posait la question, dans un ouvrage intitulé Who are we ?, de l’identité de ses compatriotes américains confrontés au délitement progressif du socle anthropologique anglo-saxon et protestant qui, pendant plusieurs générations, s’est confondu avec la société nord-américaine née au XIXe siècle de l’immigration européenne. Il pointait alors la « menace » de la « latinisation » progressive de la population états-unienne et du recul relatif de l’anglais, privé de son privilège de langue exclusive, souvent dans les États les plus dynamiques de l’Union.

Ses contradicteurs ne manquèrent pas de dénoncer le passéisme d’une telle vision et affirmèrent haut et fort que le creuset américain demeurait en mesure d’assimiler, selon un nouveau modèle, toutes les populations venues d’ailleurs, d’Amérique latine mais aussi d’Asie. Le débat se poursuit outre-Atlantique et il semble que cette question va dominer – si l’on en croit les discours tenus dans la campagne des primaires dans le camp républicain – la compétition présidentielle de 2016…

NRH HS n°11

NRH HS n°11

On peut penser que le temps est venu de poser, à propos de notre Europe, des interrogations de même nature car une actualité brûlante impose des remises en cause radicales, qui ne peuvent plus être différées. Confrontés à des vagues d’immigrants extra-européens toujours plus nombreux, sommés par les autorités « morales » de s’accommoder de cette situation, invités par une technocratie bruxelloise totalement déconsidérée à accomplir un « devoir » d’accueil qu’il ferait beau voir d’oser contester, les Européens d’aujourd’hui ont toutes les raisons de s’interroger avec inquiétude sur l’avenir bien incertain qui les attend.

Dans un passé somme toute récent, les leçons que fournissait l’expérience de l’histoire permettaient d’alimenter la réflexion et formuler, à partir des réalités constatées, d’éventuelles alternatives. Rien de tout cela n’est plus possible aujourd’hui, dans la mesure où certains ont entrepris, avec un certain succès, de faire « table rase du passé », où le seul statut désormais reconnu est celui de « citoyen du monde » hors-sol, débarrassé d’une histoire pleine de bruit et de fureur, de racines dont l’affirmation ne peut que conduire aux pires catastrophes, la xénophobie, le « rejet de l’autre », la défense « d’identités » constituant le « poison » du moment présent, pour reprendre la formule retenue dans un entretien donné au journal Le Monde par un éminent historien.

Privés de la connaissance de leur passé par la ruine à peu près accomplie de l’enseignement de l’histoire, interdits de mémoire commune du fait des dangers que pourrait receler celle-ci, invités à battre leur coulpe pour tous les « crimes » et toutes les « injustices » – de l’esclavage à la colonisation – « commis » au cours des siècles précédents, les Européens se voient assigner la place de simples provinciaux passifs et consentants au sein du grand marché mondial légitimé par l’utopie libérale. La mise en œuvre de ce messianisme impératif, actif depuis des décennies mais longtemps occulté par les situations géopolitiques nées du « sombre XXe siècle », passe par la déconstruction des identités et donc des histoires singulières, celles des peuples, des nations ou, plus largement, des civilisations.

Nombreux sont donc les brillants universitaires qui s’attachent aujourd’hui à dénoncer les nations comme autant de constructions idéologiques privées de toute légitimité, à moins qu’elles ne se résument à des agrégats d’individus dépourvus de toute volonté d’exister et de peser sur le terrain de la puissance. Face à cette situation mortifère, il convient de rappeler aux Européens qui ils sont et d’où ils viennent, c’est l’ambition de cette livraison de la Nouvelle Revue d’Histoire

Philippe Conrad

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Au sommaire de ce numéro

– Qui sont les Européens ? Par Philippe Conrad
– L’Europe, du néolithique à l’âge du bronze. Par Philippe Fraimbois
– À la découverte d’un peuple. Par Henri Levavasseur
– Les Indo-Européens. Entretien avec Jean Haudry. Propos recueillis par Pauline Lecomte
– Sur l’existence des Indo-Européens. Par Yann Le Bohec
– L’Europe est née en Grèce. Par Philippe Conrad
– Peuples d’Italie pré-romaine. Par Jean-Louis Voisin
– Ce que nous a légué Rome. Par jean-Louis Voisin
– L’Europe des Celtes. Par Philippe Conrad
– Des Gaulois aux Gallo-Romains. Par Yann Le Bohec
– Le monde des Ibères. Par Philippe Parroy
– Les Basques, peuple le plus ancien d’Europe. Par Arnaud Imatz
– L’Espagne des Wisigoths. Par Michel Savoie
– L’essence de l’Espagne. Par Arnaud Imatz
– La Catalogne, avec ou sans l’Espagne ? Par Arnaud Imatz
– Aux origines du monde germanique. Par Henri levavasseur
– Bretons insulaires et armoricains. Par Yves de Tréséguidy
– Quand la (Grande) Bretagne est devenue l’Angleterre. Par Philippe Parroy
– L’exception irlandaise. Par Philippe Conrad
– Les raisons du “miracle franc”. Par Philippe Conrad
– L’Aquitaine, à la périphérie de l’espace franc. Par Bernard Fontaine
– Le Royaume ostrogoth de Théodoric. Par Bernard Fontaine
– L’Italie des Lombards. Par Bernard Fontaine
– À la recherche de l’homme scandinave. Par Nicolas Kessler
– Des Magyars à la Hongrie historique. Par Henry Bogdan
– Unité et pluralité des Allemagnes. Par Éric Mousson-Lestang
– L’ethnogenèse des Russes. Par jean-Pierre Arrignon
– Comment la Russie retrouve ses racines. Par jean-Pierre Arrignon
– L’identité française, un produit de l’histoire. Par Pierre de Meuse
– L’obsession de l’ailleurs. Par Ludovic Greiling

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Pierre Manent : l’Europe au défi de son histoire https://www.la-nrh.fr/2013/01/pierre-manent-leurope-au-defi-de-son-histoire/ https://www.la-nrh.fr/2013/01/pierre-manent-leurope-au-defi-de-son-histoire/#respond Tue, 01 Jan 2013 10:00:41 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=639 Pierre Manent : l’Europe au défi de son histoire
Chez Pierre Manent la réflexion historique est toujours présente. C’est naturellement ce qui contribue à l’attention que nous lui portons.]]>
Pierre Manent : l’Europe au défi de son histoire
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°64, janvier-février 2013. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Normalien, agrégé de philosophie, auteur de nombreux ouvrages, Pierre Manent s’est intéressé à la construction européenne, sujet sur lequel nous reviendrons. En 2010, il a publié Les Métamorphoses de la Cité, essai sur le dynamisme de l’Occident (Flammarion), dont nous avions longuement rendu compte dans le n°53 de La NRH. Chez Pierre Manent la réflexion historique est toujours présente. C’est naturellement ce qui contribue à l’attention que nous lui portons.

La Nouvelle Revue d’Histoire : Comme nous le faisons avec tous nos invités, je vais vous poser une première question sur les influences familiales ou autres qui ont pu orienter votre vocation.

Pierre Manent : Il n’est pas certain que nous discernions toujours clairement ce qui nous influence le plus. En tout cas, il est certain que mon père, qui était un communiste passionné, a beaucoup contribué à me donner très jeune le sentiment de participer à une grande aventure collective. Mes critères d’orientation se sont modifiés, mais j’ai toujours gardé le sentiment très vif des enjeux collectifs, des enjeux politiques. Je suis toujours surpris lorsque je rencontre quelqu’un, et cela arrive très souvent, qui ne semble pas percevoir le lien qui rattache sa vie à la vie des groupes dont il ou elle fait partie.

NRH : Certains professeurs ont-ils particulièrement compté dans votre formation et dans le choix de vos orientations ?

PM : J’ai eu beaucoup de bons ou très bons instituteurs et professeurs. Si je devais en mentionner un, ce serait bien sûr Louis Jugnet qui a été mon professeur de philosophie en hypokhâgne et khâgne au lycée Fermat à Toulouse. Pour le dire d’un mot, il m’a fait découvrir l’immense domaine de la religion catholique, ce monde dont tant de gens qui sont dehors – et beaucoup aussi qui se croient dedans – ne savent rien, et même moins que rien puisque, comme le disait Étienne Gilson de ses collègues de la Sorbonne à l’époque, ils ne savent même pas qu’il y a quelque chose à savoir.

J’ai alors commencé à comprendre que l’Église catholique était une cité dont il fallait devenir le citoyen, de préférence le bon citoyen, par une incessante éducation de toutes ses facultés, y compris et même d’abord intellectuelles, ce qui est souvent négligé par les catholiques qui pensent qu’être chrétien cela consiste seulement à avoir bon cœur.

NRH : Après vos études, vous êtes devenu l’assistant de Raymond Aron au Collège de France. Quels souvenirs vous a laissé ce travail en commun avec ce grand esprit ?

PM : Je ne parlerais pas de travail en commun. Le travail intellectuel est un travail essentiellement personnel. En revanche, il y avait une conversation constante entre nous. Aron me faisait participer à sa vie intellectuelle en me faisant entrer dans sa conversation comme il y faisait entrer tous ceux qui l’approchaient. Il pensait à haute voix, et c’était très instructif de l’écouter. Il me semble, mais c’est peut-être une illusion, que sa conversation m’a plus instruit que ses livres parce que, ce qui le caractérisait, c’est un jugement extraordinairement sûr et sage sur les choses et les hommes, et cette justesse et justice du jugement se laissent percevoir davantage dans la parole que dans les écrits.

Il me fit comprendre que l’éducation politique, c’est l’éducation du jugement politique et que ce jugement requiert la mobilisation des quatre vertus cardinales, et particulièrement de la prudence.

NRH : Dans votre ouvrage Les Métamorphoses de la Cité, vous faites un historique très complet de la naissance de la cité grecque, modèle par excellence qui rend possible un projet politique collectif et sa mise en œuvre. Vous soulignez que l’expérience grecque du gouvernement de soi-même est bien antérieure à Périclès, vous en voyez l’origine dans Homère, précisément dans l’Iliade. En quoi Homère fut-il l’éducateur de la Grèce ?

PM : Quelle immense question ! Je dirai seulement ceci : Homère donne à voir et à connaître, il déplie et déploie les mouvements principaux de l’âme humaine avec une extraordinaire puissance et en même temps avec précision et délicatesse. Vus en gros, les guerriers achéens sont des brutes avides de carnage. Mais si vous lisez les poèmes avec attention, vous découvrez que ces brutes ont des âmes vastes et complexes dans lesquelles jouent tous les ressorts de la vie humaine.

Par exemple, ce qui meut ces guerriers au combat, c’est ce que Homère appelle l’aïdôs, c’est-à-dire la honte ou le respect humain devant ses compagnons, le souci de ne pas les abandonner, de ne pas les décevoir. Nous parlons parfois encore d’une « noble émulation ». Eh bien, c’est quelque chose dont Homère fournit le tableau le plus impressionnant jamais produit.

NRH : Vous consacrez un long développement au Ier Chant de l’Iliade, à l’origine donc de la « colère funeste » d’Achille à l’encontre d’Agamemnon. Vous insistez sur l’assemblée convoquée par ce dernier avec la participation active d’Ulysse. Et vous montrez que cette assemblée se décompose entre ce qui est dit au grand nombre et ce qui est dit au petit nombre qui bénéficie d’égard particulier. A-t-on affaire à une distinction aristocratique au sein de l’assemblée des guerriers ?

PM : Vous savez, dans toutes les sociétés humaines, il y a des inégalités considérables, il y a les « grands » et les autres, nous disons aujourd’hui le 1 % et les 99 %. Mais c’est dans la cité grecque, et déjà dans le corps expéditionnaire achéen décrit dans l’Iliade, que le jeu entre le petit nombre et le grand nombre a été pour la première fois dégagé. Le ressort des sociétés humaines, c’est le jeu entre la démocratie et l’oligarchie, dont le mélange plus ou moins heureux fait la qualité très variable des régimes.

Si les Grecs ont dégagé pour la première fois ce ressort de la vie sociale et politique, c’est parce que, pour une raison mystérieuse, les poètes et les philosophes grecs ont fait preuve d’une impartialité inédite et qui n’a jamais été égalée ensuite. Homère est l’éducateur de la Grèce aussi parce que son poème répand, si j’ose dire, cette impartialité.

NRH : Passant ensuite à l’exemple de Sparte, vous faites cette remarque qui peut surprendre : Sparte est la cité grecque par excellence parce que guerrière. La cité peut-elle se passer de la guerre ?

PM : Comme vous le savez, les cités grecques passent une grande partie de leur temps à se faire la guerre. Comme ce sont les citoyens eux-mêmes qui sont soldats, la guerre mobilise une grande partie de la population mâle. Les pertes sont énormes. Socrate a épousé Xanthippe parce qu’Athènes avait besoin de guerriers ! On pourrait dire, la vie des cités grecques c’est la Grande Guerre en permanence. Aussi désagréable que ce soit, il faut reconnaître les vertus éducatrices de cette guerre permanente car les corps civiques, sans cesse confrontés à des risques considérables (n’oublions pas que la défaite alors signifie souvent les hommes passés au fil de l’épée, les femmes et les enfants réduits en esclavage), sont obligés à une mobilisation permanente de leurs forces, c’est-à-dire de leurs vertus ou du moins de certaines d’entre elles, comme le courage et la prudence. En même temps, non seulement la guerre est une chose affreuse, mais la mobilisation permanente en vue de la guerre fausse l’équilibre de la vie collective et produit une éducation mutilante.

C’est au fond le reproche que les philosophes, particulièrement Aristote, adresseront à Sparte. Les Spartiates possèdent admirablement les vertus guerrières, mais leur éducation, trop spécialisée en quelque sorte, ne les prépare pas aux arts de la paix. Privés d’une éducation philosophique qui est l’éducation du loisir, ils ne savent finalement que faire la guerre.

La cité peut-elle se passer de la guerre ? Je ne sais. Ce qui est frappant aujourd’hui, c’est la différence de perspective sur cette question entre Américains et Européens. Pour les Européens, la guerre est non seulement une chose barbare, mais c’est aussi quelque chose qui appartient définitivement au passé et dont ils n’imaginent pas qu’elle puisse jamais revenir visiter les rivages du vieux continent. C’est pourquoi ils réduisent constamment leurs budgets militaires et s’approchent rapidement d’une situation où les pays européens n’auront pour ainsi dire plus de moyens de défense propres. Pour les Américains en revanche, même s’ils sont ces jours-ci un peu fatigués des expéditions militaires, la guerre appartient à l’ordre normal des choses. Voyez comment le président Obama, qui a reçu le prix Nobel de la Paix, décide chaque semaine des cibles dans le monde dont il ordonnera la frappe par les drones. Qui des Européens ou des Américains a la perspective la plus judicieuse sur le monde, je n’en déciderai pas ici !

NRH : Dans votre livre, après avoir rappelé que Benjamin Constant croyait que l’époque du commerce allait supprimer la guerre, vous remarquez que les hommes désirent souvent la guerre pour elle-même, ce que révélait déjà l’Iliade. Dans l’état d’incertitude et de déréliction que vous observez aujourd’hui en Europe et dans les institutions européennes, la quasi disparition de l’horizon de la guerre pour les Européens n’est-elle pas à prendre en compte ?

PM : Vous voulez me forcer à répondre ! Le point principal n’est peut-être pas que les hommes, sinon souvent du moins parfois, désirent la guerre pour elle-même. Il y a certainement des hommes qui sont ainsi par leur caractère ou leurs passions, mais ils sont peu nombreux. On les trouve, disons, parmi les « terroristes » ou les « extrémistes ». Mais ces hommes qui aiment ou désirent la guerre ne sont pas suffisamment nombreux ou forts pour produire la guerre par leurs seuls efforts. Le motif de la guerre, ce n’est pas les passions de quelques-uns, c’est la peur qui saisit un corps collectif, la peur de disparaître, d’être réduit en servitude, d’être déshonoré, ou humilié.

Les Européens d’aujourd’hui pensent sans le formuler peut-être clairement qu’ils ne se trouveront jamais dans cette situation, qu’ils n’auront jamais à faire face à un risque qui justifie ou qui même exige le recours à l’action militaire pour se défendre, ou pour défendre les conditions matérielles et morales d’une vie collective continuée. Alors que vous dire ? Il ont peut-être raison. Mais ils peuvent avoir raison pour deux raisons bien différentes. Ils peuvent avoir raison parce qu’en effet ils ne se trouveront jamais attaqués sérieusement ; et ils peuvent avoir raison parce qu’ils ne se sentiront jamais sérieusement attaqués, c’est-à-dire qu’ils préféreront toujours se soumettre en déclarant et peut-être en pensant sincèrement qu’il n’y a pas de mal à ça !

Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait mais j’observe que hors d’Europe, particulièrement en Asie, mais aussi dans d’autres régions du monde, des pays à la population nombreuse et aux ressources croissantes édifient des appareils militaires qui surclassent déjà les moyens européens. Vous trouverez sans doute que je fais preuve d’un bon sens très terre-à-terre, mais il me semble qu’il n’est pas raisonnable de se désarmer méthodiquement quand d’autres s’arment méthodiquement.

NRH : Aujourd’hui, dites-vous, dans les anciennes nations et dans le cadre flou de l’Union européenne, pour la première fois sans doute dans notre histoire connue, il n’y a plus d’action ni de parole politique audible. Vous ajoutez que nous observons une disette de formes politiques. Et vous interrogez : par quoi remplacer la nation ? À cette question, Carl Schmitt n’avait-il pas répondu de façon indirecte dans ses développements autour de La notion de politique (1) ? Pour lui, la politique était définie de façon agonale par la relation ami-ennemi. En substance, il pensait que l’État pouvait disparaître, mais sans que soit annulée la relation antagoniste ami-ennemi. Est-ce que cela signifierait le retour à ce que Hobbes appelait l’état de nature en attendant qu’apparaisse peut-être une forme inédite de cité ou d’État qui y mette bon ordre ?

PM : Je ne suis pas sûr que Carl Schmitt ait répondu à cette question, même de façon indirecte. D’ailleurs, quelle que soit l’importance de la relation ami/ennemi, celle-ci est loin de suffire à la définition de la chose politique. Ce qui définit le politique, c’est une certaine organisation de la vie commune, un certain régime, une certaine idée de la justice. Ce qui est vrai, c’est que la construction intérieure d’une forme politique, par exemple l’État-nation européen, fut inséparable de la rivalité qui l’opposait aux autres États-nations également en voie de construction, rivalité qui n’était pas simplement inimitié conduisant à la guerre, mais qui était aussi bien émulation dans les arts de la paix.

On pourrait dire en termes très généraux que l’élaboration d’une forme politique suppose un travail, qui n’est pas toujours parfaitement pacifique, en direction de l’intérieur ainsi qu’un travail, qui est loin d’être toujours guerrier, en direction de l’extérieur.

Le problème de l’Europe et de ce qu’on appelle la construction européenne, c’est que le travail en direction de l’intérieur comme celui en direction de l’extérieur sont également superficiels. Vers l’intérieur, on suppose et on déclare que les vieilles nations sont définitivement déclassées, mais en même temps on les laisse largement intactes et les Européens continuent de vivre principalement dans leurs vieilles nations. Vers l’extérieur, on suppose et on déclare que l’influence européenne s’exercera par l’admiration envieuse que les autres ne manqueront pas d’éprouver pour nos réussites. Ni en direction de l’intérieur ni en direction de l’extérieur, les Européens n’ont fait un effort même lointainement adéquat à la production d’une nouvelle forme politique. La construction européenne, c’est un échafaudage rutilant posé sur l’agrégat des vieux bâtiments que sont les nations européennes. Ceux qui montent et compliquent indéfiniment l’échafaudage font mine de croire qu’ils construisent un nouveau bâtiment qui sera plus vaste, plus prospère et plus juste que les anciens, mais nous voyons bien que nous continuons de vivre dans les anciens bâtiments.

C’est dans nos vieilles nations que la crise nous saisit et nous frappe. Et sous le choc de la crise, ce sont les vieilles plaies et défaillances nationales qui resurgissent, les vieilles fractures qui redeviennent douloureuses. L’Espagne voit de nouveau s’élever le spectre de la fragmentation régionale, la France gémit plus que jamais sous le poids d’un État incompressible, l’Italie lutte contre l’éternelle corruption et le défaut de légitimité de la classe politique, l’Allemagne doit à nouveau apprendre à gérer son poids disproportionné en Europe, etc.

NRH : Vous soulignez que nous continuons à vivre dans l’ancien bâtiment de nos vieilles nations. Quelle place y tient l’Europe en devenir ?

PM : Ici, j’attire votre attention sur un sophisme qui est devenu courant et qui empêche toute discussion politique et même économique sérieuse. On dit que l’« intérêt de l’Europe » exige telle ou telle chose, qu’il s’agisse des eurobonds ou d’une institution commune de supervision des banques. C’est très mal raisonner. L’intérêt de l’Europe pourrait en effet exiger ceci ou cela s’il existait déjà un corps politique européen, si nous avions déjà fondé effectivement une forme politique européenne. Mais précisément nous ne l’avons pas fait. Il n’y a pas d’intérêt commun européen en l’absence d’une communauté politique européenne, ou alors, c’est l’intérêt commun très vague que nous partageons aussi bien avec les Américains et les Chinois : les économies modernes étant interdépendantes, elles ont intérêt à la prospérité les unes des autres.

Comme il n’y a pas de véritable intérêt commun européen, les nations européennes se guident nécessairement et continueront de se guider sur l’idée qu’elles se font de leur intérêt national, et il est inutile de s’en indigner car elles ne peuvent faire autrement, elles n’ont pas d’autre critère d’orientation. L’on voit bien d’ailleurs, je le disais à l’instant, que la crise qui devait nous forcer à faire enfin le saut dans l’Europe fédérale est en train de repousser chaque pays pour ainsi dire à l’intérieur de lui-même.

NRH : Si vous le permettez, j’en reviens à ma question initiale suggérée par une réflexion de Carl Schmitt. Ne peut-on imaginer, face à des enjeux nouveaux, qu’apparaisse une forme inédite de cité ou d’État ?

PM : Vous parlez d’une forme inédite de cité ou d’État qui mette « bon ordre » dans le désordre européen. Franchement je ne vois pas ce principe d’ordre se manifester en aucun point de l’Europe. C’est d’ailleurs ce qui est le plus étonnant. Nous assistons à un processus d’immobilisation et de fragmentation de l’Europe sans qu’apparaissent nulle part une idée, une passion, une énergie, un projet qui annonce une action commune nouvelle.

En l’absence de tout agent de renouvellement, nous devons faire avec ce que nous avons, et que j’appelle les vieilles nations et la vieille religion, la religion chrétienne. Elles sont très affaiblies, mais c’est tout ce que nous avons. Et après tout, nous ne pouvons pas savoir de quoi elles sont encore capables, quelles ressources elles recèlent encore, tant que les Européens n’ont pas pris conscience de leur situation réelle. À savoir qu’ils n’ont d’autre ressource pour continuer à être ce qu’ils sont dans le monde, ils n’ont d’autre choix que de réinvestir les vieilles nations et la vieille religion et d’y puiser ces éléments de sens et ces principes d’énergie que ne nous fournira jamais l’humanité mondialisée.

Propos recueillis par Pauline Lecomte

Crédit photo : DR

Notes

  1. Carl Schmitt, La Notion de politique, traduction et préface de Julien Freund, Calmann-Lévy, 1972, collection « Liberté de l’esprit » dirigée par Raymond Aron. La première version du texte de Carl Schmitt fut publiée en 1927. En parlant de relation « ami-ennemi » pour caractériser la politique, Carl Schmitt ne pensait qu’à la politique extérieure, celle qui oppose les puissances entre elles.

Repères biographiques

Pierre Manent

Normalien, agrégé de philosophie, directeur d’études à l’EHESS et au Centre de recherches politiques Raymond Aron, Pierre Manent a participé à la création de la revue Commentaires en 1978 et fait partie de son comité de rédaction. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés notamment à la redécouverte de Machiavel, Hobbes et Rousseau, ainsi qu’aux grands théoriciens libéraux, Benjamin Constant, François Guizot et Alexis de Tocqueville. On peut signaler son essai La Raison des nations. Réflexions sur la démocratie en Europe (Gallimard, 2006, collection L’esprit de la cité). En 2010, il a publié Les Métamorphoses de la Cité, essai sur le dynamisme de l’Occident (Flammarion).

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Entretien avec Ernst Nolte https://www.la-nrh.fr/2003/05/entretien-avec-ernst-nolte/ https://www.la-nrh.fr/2003/05/entretien-avec-ernst-nolte/#respond Thu, 01 May 2003 10:00:08 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=140 Entretien avec Ernst Nolte
Figure majeure de l’Université allemande, Ernst Nolte a renouvelé par ses travaux l’histoire européenne du XXe siècle. Dialogue en toute liberté avec Dominique Venner.]]>
Entretien avec Ernst Nolte
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°6, mai-juin 2003. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Figure majeure de l’université allemande, Ernst Nolte a renouvelé par ses travaux l’histoire européenne du XXe siècle. Dialogue en toute liberté avec Dominique Venner.

Par la publication en 1963 de son ouvrage en trois volumes, Le Fascisme dans son époque (1), Ernst Nolte s’était imposé comme un historien majeur, associant réflexion philosophique et connaissance des faits. Cette publication lui valut une chaire d’histoire moderne à l’université de Marbourg. Plus tard, il rejoindra l’université libre de Berlin. Sur certains points, l’ouvrage prêtait cependant à discussion, par l’assimilation de l’Action française au fascisme. Nous y reviendrons.

Mais c’est une controverse autrement vive qu’a ouverte en Allemagne, le 6 juin 1986, un article d’Ernst Nolte, « Un passé qui ne veut pas passer ». Cet article fut le point de départ de la « querelle des historiens ». Celle-ci a rebondi un an après avec la publication de La Guerre civile européenne, 1917-1945 (2). Aujourd’hui, la polémique s’est atténuée. Mais elle n’a pas disparu, comme le montrent les trois critiques acides publiées récemment par Le Débat (3). Pourquoi le travail d’un historien sur un passé définitivement révolu soulève-t-il autant de passions ? Sans doute parce que, suivant le mot d’Ernst Nolte, ce passé « ne veut pas passer ». Parce que les enjeux liés à l’interprétation de ce passé restent lourds et brûlants. Le monde politique et mental dans lequel vivent les Européens d’aujourd’hui a été en grande partie façonné par une interprétation univoque de leur passé. Procéder à une relecture du passé qui pourrait modifier l’interprétation conventionnelle, cela aurait-il le pouvoir d’ébranler tout l’édifice et les intérêts qu’il charpente ? Le croire serait un bel hommage rendu à la puissance de l’esprit, un hommage aussi au travail de l’historien.

J’avais rencontré Ernst Nolte peu après la publication en français de La Guerre civile européenne. Il s’était prêté de bonne grâce à une longue discussion publiée à l’époque dans la revue Éléments (4). La traduction d’un nouveau livre (5), publié cette fois encore à l’initiative de Pierre-Guillaume de Roux, m’a donné l’occasion et le plaisir d’un nouvel échange.

Dominique Venner : Dans la revue Le Débat, l’un de vos critiques rappelle que vous êtes né en 1923, sous la république de Weimar et que vous avez été témoin dans votre enfance de la « guerre civile larvée » entre nazis et communistes avant l’arrivée de Hitler au pouvoir en janvier 1933 (6). Cela le conduit à vous reprocher de faire « entrer cette dimension subjective dans [votre] œuvre », et donc de « fausser les perspectives ». Que pensez-vous de cette objection ? La subjectivité de l’historien est-elle un inconvénient ou un atout ?

Ernst Nolte : Sans expérience subjective, l’histoire que l’on écrit est sèche et aride. Une certaine tension intérieure est indispensable au travail de l’historien. Certains ouvrages sont inondés de faits empiriques dépourvus de signification. La sensibilité abstraite que j’avais de l’époque m’a certainement servi en renforçant mon désir d’objectivité.

DV : Vous aviez vingt ans en 1943. Vous étiez donc en âge de conserver le souvenir des dernières années du IIIe Reich. Cela a-t-il compté d’une façon ou d’une autre dans votre réflexion d’historien ?

EN : Pour des raisons de santé, je ne fus pas incorporé dans la Wehrmacht. Je n’ai donc pas partagé l’expérience fondamentale de ma génération. Mais j’ai été un témoin éveillé. L’époque de la guerre fut pour moi une sorte d’expérience spirituelle. Avant celle-ci, bien qu’enfant, j’avais été témoin du conflit féroce opposant les nationaux-socialistes et les communistes. J’avais dix ans en 1933. Mais je me souviens que dans ma petite ville de la Ruhr, Witten, la lutte des deux partis était violente. Les adultes ne parlaient que de cela.

DV : Quelle idée un enfant pouvait-il se faire du communisme ?

EN : Je me souviens que vers l’âge de sept ans, je suis allé chez le dentiste. Dans la salle d’attente, j’ai regardé une revue illustrée. C’était une revue dans laquelle se trouvaient des copies de quelques pages d’un pamphlet soviétique. Des gravures anticléricales représentaient des moines dans des postures obscènes. C’est la première fois que je découvrais ce genre de dessins orduriers. Ils m’ont fortement choqué. Dans ma famille, on respectait l’Église et le christianisme. J’ai retiré de cette petite expérience le sentiment fort de ce qui opposait les catholiques et le communisme.

DV : Avant de vous intéresser à l’histoire, vous avez fait des études de philosophie. Vous avez suivi les cours de Heidegger en 1944. Cela fut-il bénéfique dans votre carrière ultérieure d’historien ?

EN : Je dois beaucoup à Heidegger et pas seulement un certain ton de la langue. Mais j’ai eu longtemps une compréhension fausse de ce qu’on peut appeler sa métaphysique. J’associais l’idée de Logos à celle de Dieu. Dans l’ouvrage que je lui ai consacré, j’ai évité de thématiser sa philosophie tardive.

DV : Comment êtes-vous passé de la philosophie à l’histoire et plus précisément à l’histoire du fascisme ?

EN : Je suis en quelque sorte un « tard venu » de la science historique, ce qui a favorisé une démarche originale. En 1959, par hasard, j’ai découvert à Rome, chez un bouquiniste, un recueil de textes de Mussolini. Ce qu’il disait de Marx et de Nietzsche m’a paru remarquable. J’ai voulu en savoir plus. C’est ainsi, par l’histoire des idées, celles de Mussolini et de Charles Maurras, que j’en suis venu primitivement à étudier le national-socialisme. Cela explique la genèse des trois volumes du Fascisme dans son époque, livre qui m’a valu une chaire d’histoire moderne à l’université de Marbourg.

DV : En France, le reproche vous a été fait d’inclure l’Action française dans une généalogie du fascisme et du national-socialisme. L’origine de l’Action française remonte à la « Revanche » et à l’affaire Dreyfus, c’est-à-dire à une époque antérieure à la Première Guerre mondiale qui a changé toutes les représentations, et a vu naître à la fois le bolchevisme et le fascisme. C’est une première objection. Par ailleurs, vous définissez le fascisme comme « un antimarxisme qui vise à anéantir l’adversaire par l’élaboration d’une idéologie radicalement opposée et pourtant similaire ». Mais Charles Maurras ne s’est jamais soucié du marxisme. On ne voit pas bien le rapport entre la pensée contre-révolutionnaire de Maurras et la pensée révolutionnaire d’un Mussolini et plus encore d’un Hitler.

EN : Maurras ne fut pas le premier à traduire en paroles et en actes une résistance politique à l’universalisme dont le marxisme et l’américanisme sont des manifestations. Mais il était, je pense, le premier homme politique important qui attaquait en même temps la force conservative qu’il voulait défendre, c’est-à-dire l’Église catholique. Son expression, « Je suis agnostique et catholique », me paraît très significative. Elle préfigure, dans une certaine mesure, les attitudes de Mussolini et de Hitler. Mais je crois avoir démontré aussi qu’on ne doit pas opposer un Maurras contre-révolutionnaire à un Hitler révolutionnaire. Ils appartenaient tous les deux au grand courant contre-révolutionnaire né en opposition à la Révolution française. Mais ils s’étaient approprié tant de traits révolutionnaires qu’ils paraissaient souvent plus semblables à leurs ennemis qu’à leurs amis conservateurs – Maurras, d’une manière voilée, Hitler, de façon plus évidente.

DV : On vous a comparé à Renzo De Felice et à François Furet qui furent communistes dans leur jeunesse avant de s’en libérer. Comment s’est faite votre propre évolution ?

EN : Je n’ai jamais été communiste. À la différence de la France et de l’Italie, l’attrait pour le communisme était faible dans la jeunesse allemande de l’après-guerre, à cause surtout de la RDA (7). En revanche, j’ai subi l’influence de Marx. En 1952, j’ai soutenu ma thèse de philosophie sur les rapports entre Marx et l’idéalisme allemand. Pour moi, le marxisme était une pensée légitime. Son infortune fut d’être réalisé en Russie.

DV : Dans les années 1960, votre ouvrage Le Fascisme dans son époque, avait été favorablement accueilli par l’intelligentsia de gauche. Vingt ans plus tard, elle a réagi avec une grande hostilité à La Guerre civile européenne. Que s’était-il passé ? Qui avait changé ? Elle ou vous ?

EN : Je n’ai pas changé. J’éprouve toujours la même répulsion pour le national-socialisme et bien entendu pour sa politique raciale et la persécution des Juifs. Seulement, une étude plus approfondie m’a conduit à me poser la question d’un « noyau rationnel » de l’antisémitisme hitlérien. Les articles de Hitler, dans les années 1920, prouvent que sa hantise et sa haine du bolchevisme étaient devenues sa principale motivation. La forte présence de militants juifs parmi les promoteurs de la Révolution de 1917 et dans l’appareil international du Komintern était une thèse largement répandue à l’époque, par exemple par Churchill. Cette idée des Juifs inventeurs d’une révolution d’anéantissement qui menaçait tout le monde occidental, c’était le noyau de l’idéologie de Hitler.

DV : L’antisémitisme hitlérien s’expliquerait donc par la crainte du communisme ?

EN : Hitler estimait que le communisme et le marxisme influençaient 40 % de la population allemande. Désigner le communisme comme l’ennemi, l’aurait contraint à combattre presque la moitié de ses compatriotes. Alors que désigner les Juifs comme l’ennemi permettait d’ébranler et d’attirer les communistes eux-mêmes, tout en donnant à l’ennemi un visage concret, beaucoup plus efficace que celui d’un ennemi abstrait.

DV : On vous a parfois reproché d’étudier le nazisme en historien des idées et de négliger la matrice fondamentale que fut la Première Guerre mondiale, le rôle aussi de la jeune génération du front, les hommes des corps-francs. Certains historiens estiment également que vous avez quelque peu négligé ce qui se rapporte à l’histoire proprement allemande dans l’émergence du nazisme. Mais votre nouveau livre, Les Fondements du national-socialisme, fait tomber cette objection.

EN : Tous les autres historiens ont étudié les causes spécifiquement allemandes du national-socialisme depuis Bismarck. Si vous choisissez de souligner un facteur important jusque-là négligé, cela ne veut pas dire que le reste est inexistant. Dans Les Fondements du national-socialisme, j’analyse en effet le faisceau des causes culturelles, idéologiques et historiques spécifiquement allemandes du national-socialisme, le pangermanisme qui se développe sous Guillaume II, l’antisémitisme présent dans l’extrême droite allemande, mais aussi chez quelques penseurs gauchistes.

DV : Les sources disponibles et le climat intellectuel de notre époque offrent-ils à l’historien les conditions satisfaisantes d’une connaissance objective du IIIe Reich ?

EN : Lorsque après une grande et terrible guerre, seuls peuvent s’exprimer les vainqueurs et les représentants des anciennes victimes, alors que « l’autre côté », qui devrait aussi être entendu en bonne logique, ne peut s’exprimer et que cela lui est même interdit sous peine de lourdes sanctions, on se trouve dans une situation antiscientifique. On voit s’installer une orthodoxie qui échappe à la critique, donc à la science.

DV : Cette inquiétude explique-t-elle les directions de recherches que vous avez ouvertes dans La Guerre civile européenne ?

EN : Ce fut une voie secondaire où je ne pouvais pas produire de conclusions, mais seulement formuler des questions et, pour une large part, des questions sur des questions qui n’étaient pas posées. J’ai lu des livres qu’on n’a pas vraiment le droit de lire, et je me suis aperçu, à mon grand étonnement, que je ne tombais pas toujours sur de « vieux nazis », mais parfois sur de purs libertaires et anciens détenus des camps de concentration, et que certains de ces auteurs avaient une connaissance des choses si complète que je n’avais rien trouvé de comparable dans la littérature « établie ». Bref, j’ai emprunté cette voie secondaire parce qu’aucun autre historien reconnu ne l’empruntait. Et j’ai formulé en toute clarté mes interrogations référencées aux questions qui n’avaient pas été posées. En tant que savant, j’ai défendu le caractère de notre discipline qui est celui d’une recherche critique et équilibrée. Et en tant qu’homme, je me suis opposé à l’édification d’une nouvelle quasi-religion.

Crédit photo : DR

Notes

  1. Traduction aux Éditions Julliard, Paris, 1970. Tome 1, L’Action française ; tome 2, Le Fascisme italien ; tome 3, Le National-socialisme.
  2. Traduction aux Éditions des Syrtes, Paris, 2000.
  3. Le Débat, n° 122, novembre-décembre 2002.
  4. Éléments, n° 98, mai 2000.
  5. Les Fondements historiques du national-socialisme, Le Rocher, Paris, 2002.
  6. Édouard Husson, Le « noyau irrationnel » de l’œuvre de Nolte. Le Débat, n° 122.
  7. République démocratique allemande, créée par les Soviétiques et soumise au pouvoir communiste jusqu’à la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, et à la réunification.

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Livres : le débat. La République, une question française, par Chantal Delsol https://www.la-nrh.fr/2003/01/livres-le-debat-la-republique-une-question-francaise-par-chantal-delsol/ https://www.la-nrh.fr/2003/01/livres-le-debat-la-republique-une-question-francaise-par-chantal-delsol/#respond Thu, 02 Jan 2003 14:00:04 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=826
Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de Chantal Delsol La République, une question française, publié aux PUF.]]>

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°4, janvier-février 2003. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Chaque numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire soumettra un livre important à un débat. Celui-ci sera introduit par la libre présentation qu’en fera un écrivain ou un historien. Il sera suivi par l’expression de deux points de vue différents. Dans ce numéro, l’ouvrage choisi est l’essai de Chantal Delsol La République, une question française, publié aux Presses universitaires de France (2002, 150 p., 15 €).

Ancienne élève de Julien Freund, professeur de philosophie à l’université de Marne-la-Vallée, auteur de nombreux essais et de travaux sur Althusius, Chantal Delsol est mère de famille et catholique pratiquante. Elle a milité dans une association d’aide aux immigrés.

La République est-elle condamnée ? C’est la question posée dans cet essai qui diagnostique l’étouffement du politique sous l’édredon de l’hédonisme. Pour combien de temps ? Par Charles Vaugeois

Chantal Delsol La République, une question française

Chantal Delsol La République, une question française

Les idées bougent, les hommes aussi. C’est ce que signale entre autres l’essai médiatisé de Daniel Lindenberg, Le Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires (Seuil). S’en prenant à ses anciens amis soixante-huitards qui ont perdu leurs illusions, il les qualifie de « nouveaux réactionnaires », ce que les intéressés apprécient peu. Jadis, Lindenberg s’était cassé les dents lors d’une autre polémique visant Georges Dumézil, dont il avait falsifié des citations. Cette escroquerie avait été vertement dévoilée par Didier Eribon (Faut-il brûler Dumézil ? Flammarion, 1992).

C’est un propos d’un tout autre calibre qui anime l’essai vigoureux de Chantal Delsol, riche en réflexions sur la France, l’Europe et la modernité. Mais on trouve aussi, en plus subtile, l’idée d’un retournement réactionnaire d’anciens progressistes.
Autrefois centre du monde, habituée à donner le ton, la France découvre qu’elle est marginalisée, que son « modèle républicain » n’intéresse plus personne. Tel est le premier constat.

Pour l’auteur, en dépit des apparences, la République française n’est démocratique que de nom. Elle utilise les techniques de la démocratie, mais refuse tout véritable débat démocratique. La parole est confisquée par les élites républicaines. À la façon de l’avant-garde léniniste, ces élites prétendent connaître le bien du peuple mieux que le peuple lui-même pour qui elles n’ont que mépris. Or, cette République traverse une crise que l’auteur croit fatale. Depuis que la fin de l’URSS, la victoire du libéralisme et la construction européenne ont mis à mal le modèle jacobin unitaire et centralisateur, il est en voie de démantèlement. Lui qui avait fondé son succès sur sa prétention à représenter le progrès et la modernité, se trouve frappé de décrépitude. Les républicains voient le sable disparaître sous leurs pieds. « La résistance qu’ils opposent à des forces irrésistibles les fait apparaître comme des conservateurs, des réactionnaires. » Ce sont maintenant les libéraux et les girondins qui sont modernes.

L’utopie jacobine recélait une contradiction qui éclate aujourd’hui. La philosophie individualiste des « droits de l’homme » s’oppose en effet aux exigences d’une finalité républicaine supérieure aux individus. L’hédonisme ambiant ayant dissous les finalités collectives, la République n’engendre désormais que cynisme et corruption, ce qui fait apparaître ses prétentions morales comme une imposture. Le système laïque et unitaire est également rongé de l’intérieur par une dérive communautariste, conséquence de la politique d’immigration-peuplement. Mais, sur cette question, Mme Delsol fait l’impasse.

Condamnée par une évolution que l’auteur juge inéluctable, la République se crispe, mentant à elle-même et sur elle-même. Son élite nombreuse, sorte de cléricature laïque, vit en parasite sur le gâteau français. Elle n’a aucune envie d’abandonner ses privilèges. Selon Mme Delsol, les résistances seront néanmoins balayées par le triomphe général de l’individualisme.

L’auteur pense que nous sommes entrés dans une ère nouvelle qui voit triompher les démocraties marchandes, dominées par la satisfaction des appétits, à l’exclusion de toute finalité collective. Rarement les libéraux avaient développé leur logique à ce point. À moins de sombrer dans l’anarchie et la guerre de tous contre tous, théorisée par Hobbes, l’existence d’une société politique suppose un minimum de finalités supérieures à celles des individus. On a le sentiment que Mme Delsol, cédant à un doux irénisme, croit à la fin de l’histoire et à la dissolution du politique dans le marché.
Les petits États n’auraient même plus besoin d’armées. « Ils peuvent compter sur l’opprobre jeté sur les guerres de conquête ».

Qu’en pensent les Palestiniens, les Tchétchènes ou les Irakiens ?
Il ne suffit pas de craindre le conflit et de désirer la paix pour l’obtenir. On n’est jamais seul en ce monde.

En raison même de leur déchéance et de leur veulerie de riches héritiers, les Européens sont exposés à des convoitises et à des menées hostiles, dont l’islamisme immigré n’est pas la seule figure. Dès lors, les menaces se précisant, il se pourrait bien que les finalités collectives reviennent en force sous des formes inusitées.

Le point de vue de… Louis Sorel

Professeur agrégé d’histoire et de géographie.

Avec l’effondrement du marxisme-léninisme, les « valeurs républicaines » sont devenues l’alpha et l’oméga de la politique française. Philosophe et catholique, Chantal Delsol analyse la république en termes de décadence et fonde ce diagnostic sur une réflexion d’ordre anthropologique.

La République, dit-elle, est une religion séculaire – un « monisme politico-religieux » – impliquant une conception abstraite de l’homme : un individu délié de toute appartenance ethnoculturelle. Cette anthropologie rêvée ne résiste pas à l’épreuve du réel. Égalitarisme, envie et ressentiment dominent la société française et une « élite désarrimée » monopolise le sacro-saint intérêt général (l’« universel éthico-politique »).

En contrepoint, Chantal Delsol esquisse l’anthropologie des démocraties fédérales où les libertés des citoyens seraient tempérées par une forme de sagesse empirique (la prudence aristotélicienne). La solidarité s’exerce entre personnes singulières, dans le cadre de communautés concrètes. Point de dithyrambe toutefois. La « modernité tardive » exerce aussi ses ravages au-delà des frontières françaises.

On s’étonnera pourtant du contenu des critiques formulées à l’encontre du citoyen enraciné des sociétés fédérales. Faut-il regretter que, l’illusion d’une fin de l’histoire se dissipant, l’« espérance » cède le pas à l’enracinement dans « le proche, le visible, les formes de la vie concrète » ? L’espérance est une vertu théologale ; sa sécularisation n’a jamais accouché que de millénarismes meurtriers et de progressismes dévastateurs.

Autre point d’étonnement : la référence à une « philosophie des droits » enracinée dans la transcendance. Posés comme universels et immortels, les droits de l’homme ne renvoient-ils pas à une idéologie anthropocentrique en rupture avec la tradition catholique qui est celle de l’auteur ? « Vous n’êtes pas à vous-même », admoneste saint Paul. Relié à Dieu et inscrit dans des communautés naturelles, le chrétien est un obligé. Il a des droits à proportion de ses devoirs. À l’inverse, dénaturé et fermé à la grâce divine, l’homme des « droits de l’homme » en est la parodie.

« Dieu, écrit Bossuet, se rit de ceux qui déplorent les maux dont ils continuent à chérir les causes. » Notre auteur est pourtant trop bonne philosophe pour faire preuve d’incohérence intellectuelle mais son « néo-conservatisme » se veut prudent et accommodant. À l’excès ?

Le point de vue de… Pierre de Meuse

Auteur de l’Essai sur les contradictions de la droite, L’Æncre.

On trouvera dans le petit ouvrage de Chantal Delsol une étude pleine d’érudition et de finesse sur la crise identitaire sans précédent que subit notre pays. Elle y expose sa critique du mythe républicain, de la prétention toujours déçue de l’esprit français à porter l’universel humain sur les épaules, et de l’idéal égalitaire qui l’anime. Sans concession, mais avec une indiscutable rigueur, elle diagnostique l’épuisement de la république jacobine, son hostilité irréductible à l’ordre social, aux élites locales, sa surdité méprisante aux aspirations populaires, son accaparement structurel par une petite aristocratie « cléricale » imprégnée d’une idéologie consubstantielle à son être.

À cette « république nobiliaire » en voie de désagrégation sur les ruines de l’État-Nation, elle oppose la démocratie fédérale, répondant au désir d’autonomie concrète des individus, seule capable de faire face aux nouvelles mœurs d’une Europe libérée à la fois des impératifs de survie et des promesses d’un homme nouveau véhiculées par des idéologies en faillite. Saluons donc sa critique, tout en restant réservé sur ses espérances.

En effet, si elle est diserte et convaincante sur la pensée républicaine, Chantal Delsol se garde bien de définir la démocratie, se bornant à en reproduire l’image floue que laisse un mot tellement usé qu’il en demeure privé de sens. Constatant l’avènement d’un consensus qui « ne veut plus débattre sur les fins, mais réclame l’autonomie des actes », l’auteur fait l’économie d’une critique de ce consensus, tant pour son aspect totalitaire et l’état de parias qu’il réserve à ceux qui s’en détournent que sur la fragilité d’une attitude qui refuse de voir les défis pour ne pas avoir à y répondre. L’histoire n’oublie pas, hélas ! les peuples qui en sont sortis.

Enfin, la fin de l’État-Nation, suite à un processus que Chantal Delsol détaille avec une indiscutable pertinence (la délégitimation des significations communes), ne conduit nullement, comme elle l’espère, à un nouveau fédéralisme. En effet, si cet effondrement est, comme elle l’explique, une conséquence de la prééminence des individus, on voit mal comment une fédération pourrait en émerger. Toute fédération suppose l’existence d’identités collectives indépendantes de ceux qui les composent (gemeinschaften), donc la persistance d’une mentalité holiste.

Sur ce point capital : l’existence des communautés historiques, Chantal Delsol ne nous répond guère, se bornant à se référer aux approximations de Mounier sur la personne humaine qui évacuent cette question délicate. Sans identités collectives reçues, la banqueroute des mythes fondateurs, si exécrables soient-ils, ne laissera subsister que le magma de l’indifférenciation. Il n’est pas nécessaire de les pleurer pour autant.

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Dix ans plus tôt, les augures avaient prédit que l’on entrerait dans l’époque apaisée d’un nouvel ordre mondial. En fait, le monde se dirigeait vers les remous symbolisés par les attentats du 11 septembre 2001.]]>
Éditorial et sommaire du n°2 (septembre-octobre 2002)

Le divorce euro-américain

Dix ans plus tôt, les augures avaient prédit que l’on entrerait dans l’époque apaisée d’un nouvel ordre mondial. En fait, le monde se dirigeait vers les remous symbolisés par les attentats du 11 septembre 2001. Cette turbulence entraîne un divorce toujours plus net entre l’Europe et les États-Unis. La solidarité a fait place au désaveu. Les Européens s’offusquent du mépris affiché par les Américains pour les règles du droit international. Ils s’inquiètent de leur cynisme dans le conflit israélo-palestinien. Ils réprouvent le recours systématique aux armes, par exemple contre l’Irak. Ils découvrent que les États-Unis sont guettés par la démesure.

À la réprobation des Européens, les Américains répondent par l’impatience et le mépris. Dédaignant la langue de bois diplomatique, un ancien haut fonctionnaire du département d’État, M. Robert Kaplan, ne l’a pas envoyé dire. Pour cet expert, les divergences entre Européens et Américains reflètent tout simplement leur poids différent dans le monde. Du temps de leur puissance, dit-il, les Européens avaient toujours pratiqué la Machtpolitik (politique de force) qu’ils reprochent aujourd’hui aux Américains. Terrassés depuis la Seconde Guerre mondiale, ils voient désormais les choses avec les yeux du faible. Ils mettent donc leurs espoirs dans un monde où la force ne compterait plus, remplacée par des arbitrages. Paradoxalement, les Européens épousent ainsi la vision des choses qui était autrefois celle des Américains. Mais, maintenant que ces derniers ont pris la place occupée jadis par l’Europe, ils ne croient plus aux bienfaits du droit international, sauf quand ils le manipulent. Ils ont découvert que le monde n’est pas peuplé de moutons mais de loups. Ils ont appris que des menaces surgissent perpétuellement et doivent être affrontées virilement. Bref, ils ont échangé leur ancien idéalisme pour un réalisme qui avait été l’apanage des Européens durant toute leur histoire.

Dans l’Europe d’aujourd’hui, se félicite un diplomate britannique, « la raison d’État et l’amoralisme des théories de Machiavel sur l’art de gouverner ont été remplacés par la conscience morale ». Ironisant sur ces propos angéliques, M. Kaplan observe que les Européens ont répudié le monde de la jungle, décrit par Hobbes, pour celui de la paix perpétuelle souhaitée par Kant, un monde qui serait soumis à une loi morale universelle. M. Kaplan s’en amuse. Il a raison.

Mais les Américains ont leur part dans la dénaturation des Européens. Depuis au moins quarante ans, la nouvelle classe dirigeante européenne s’est laissé dénationaliser par imitation. L’Europe d’aujourd’hui s’est transformée en copie des États-Unis. Une copie qui aurait emprunté le pire en oubliant ce qu’il y a de bon. Le pire, c’est un matérialisme vulgaire, un cosmopolistisme de bazar, qui insultent ce que fut l’Europe. Résumons. Ce qu’elle fut, c’est un prodigieux foyer de rayonnement spirituel et de culture enracinée, incarné tour à tour par Athènes, Rome et Paris. Il suffit de comparer ce que furent ces villes avec le cauchemar triste de New York pour mesurer l’ampleur de la chute.

Après 1945, comme le dit fort justement M. Kaplan, les Européens ont cessé d’être eux-mêmes. Les horreurs des guerres passées leur apparurent comme une condamnation de leur civilisation. Il faut dire qu’Américains et Soviétiques s’ingénièrent à les en convaincre. Sans même en avoir conscience, les Européens ont vécu depuis dans l’orbite des vainqueurs, se partageant entre imitateurs du soviétisme et imitateurs de l’américanisme.

Décérébrés, ignorant leur histoire, les Européens confondirent, dans leur rejet des excès récents, ce qui relevait de la grande tradition classique de l’Europe et de sa perversion. La Realpolitik, si l’on ose dire, dont Richelieu, Metternich ou Bismarck avaient été les brillantes incarnations, n’était pas fondée sur la force, mais sur la ferme distinction entre morale et politique, sur l’appréciation des réalités géopolitiques, et sur le « droit des gens européen » qui régissait les relations entre les États en limitant l’ampleur des guerres. Après avoir été ébranlée par le cataclysme de la Révolution française, cette tradition fut rétablie au congrès de Vienne. Mais le virus n’était pas vaincu. Le messianisme révolutionnaire était porteur des passions monstrueuses qui allaient détruire l’Europe entre 1914 et 1945.

En dépit de ce qu’il y eut de critiquable dans la gestion de certaines questions brûlantes de politique intérieure, le général de Gaulle fut le dernier chef d’État à incarner la tradition européenne des relations internationales. Invoqué à tort et à travers par de faux disciples, son exemple est oublié. Mais l’époque troublée qui commence exigera d’autres réponses que le sirop des discours rassurants et des platitudes convenues.

Dominique Venner

Courrier des lecteurs
Actualité
Éditorial

Le divorce euro-américain. Par Dominique Venner

Réflexion sur le cinéma historique

Par Norbert Multeau

Portrait/Entretien

Philippe Masson. Propos recueillis par Patrick Jansen

Découvertes
  • La guerre qui a détruit le monde grec. Par Emma Demeester
  • Ninon de Lenclos, une courtisane du Grand Siècle. Par Pauline Lecomte
  • Rites et secrets de Saint-Cyr. Par Pierre Montagnon
  • Enquête sur Marie-Antoinette. Entretien avec Simone Bertière. Propos recueillis par Éric Vatré
  • Jeu : Alexandre Dumas et l’histoire
  • Alexandre Dumas, témoin de son temps. Par Jean Tulard
  • Comment fut détruit le lycée de Jules Ferry. Par Philippe Darcy
  • Périple en Carélie. Par Sophie Vieillard
  • Retour sur le 11 septembre. Par Dominique Venner
Dossier. L’empire américain : jusqu’où ?
  • Chronologie de l’histoire américaine. Par Philippe Conrad et Charles Vaugeois
  • Glossaire politique et culturel
  • Un totalitarisme doux. Par Alexis de Tocqueville
  • Roosevelt, l’homme de Yalta
  • Comment être un bon Américain. Par Thomas Molnar
  • Le désastre du Vietnam
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  • Nord et Sud : des états désunis. Par Dominique Venner
  • Les secrets économiques et culturels de la puissance. Entretien avec Pascal Gauchon
  • Les privilèges du dollar
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  • La révolte de l’Amérique d’en bas. Par Nicolas Kessler
  • Les droites américaines
  • L’arme hollywoodienne. Par Philippe d’Hugues
  • L’« American way of war ». Par Pascal Landes
  • Comment l’Amérique veut vaincre la Chine. Par Aymeric Chauprade
Livres
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