Budapest – La Nouvelle Revue d'Histoire https://www.la-nrh.fr L'histoire à l'endroit Tue, 22 Aug 2017 11:56:13 +0000 fr-FR hourly 1 La Hongrie face aux Turcs. Entretien avec Pal Fodor https://www.la-nrh.fr/2016/11/la-hongrie-face-aux-turcs-entretien-avec-pal-fodor/ https://www.la-nrh.fr/2016/11/la-hongrie-face-aux-turcs-entretien-avec-pal-fodor/#respond Tue, 01 Nov 2016 10:00:53 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=3421 La Hongrie face aux Turcs. Entretien avec Pal Fodor
Dans cet entretien, l’historien Pal Fodor évoque ce qu’ont représenté pour la Hongrie la conquête, l’occupation et la menace ottomanes au cours de l’époque moderne. Propos recueillis par Éric Mousson-Lestang.]]>
La Hongrie face aux Turcs. Entretien avec Pal Fodor
Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°87, novembre-décembre 2016. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Photo : Livrée le 29 août 1526, la bataille de Mohacs vit la défaite complète de l’armée hongroise et la mort du roi Louis II. La décision du roi de Hongrie d’affronter les troupes ottomanes entre Buda et Belgrade comblait le désir de Soliman le Magnifique d’anéantir les troupes hongroises en bataille rangée, le rapport des forces lui étant très favorable. Quelques jours plus tard, le 10 septembre, Buda capitulait.

Dans cet entretien, l’historien Pal Fodor évoque ce qu’ont représenté pour la Hongrie la conquête, l’occupation et la menace ottomanes au cours de l’époque moderne. Propos recueillis par Éric Mousson-Lestang.

La Nouvelle Revue d’Histoire : Que représentait le royaume de Hongrie dans la stratégie de conquête de l’empire ottoman ?

Pal Fodor : La Hongrie a occupé une place particulière dans la politique et l’imaginaire ottomans. Les Turcs considéraient depuis le début du XVe siècle le royaume de Hongrie comme leur « ennemi héréditaire ». En tant que seule puissance régionale capable de résister à leur expansion, la Hongrie devint un symbole du monde chrétien et remplaça en quelque sorte Byzance. Sa soumission était donc une condition sine qua non de la conquête du monde et du projet de ressusciter l’Empire romain qui était le but ultime de la politique mondiale des Ottomans, surtout après la prise de Constantinople en 1453 et la conquête du Moyen-Orient dans les années 1510. Les sultans ottomans se considéraient également comme les successeurs d’Alexandre le Grand. Cette théorie devint par la suite une idéologie impériale officielle. Lorsque Soliman le Magnifique accéda au pouvoir en 1520, il croyait qu’en tant que maître de Constantinople sa mission consistait à réunir l’Orient et l’Occident.

NRH : Ce rêve d’empire mondial s’est-il brisé sur la défense hongroise ?

PF : Finalement oui. Au XVe siècle, la Hongrie a tenté de résister à l’expansion ottomane de différentes manières. La plus efficace fut l’édification d’une double ligne de places fortes qui protégeait les frontières méridionales, de la mer Adriatique jusqu’au cours inférieur du Danube. Après la fulgurante offensive du sultan Soliman en 1521 ce système de défense s’écroula. L’armée hongroise fut anéantie à la bataille de Mohacs (1526), mais le sultan n’occupa pas systématiquement la Hongrie car il voulait « tout de suite » s’emparer de Vienne. Les offensives contre la capitale de l’Autriche se soldèrent par des échecs en 1529 puis en 1532 si bien que la Hongrie évita le pire : dans sa partie occidentale, non occupée par les Turcs, il y eut un répit et un ressaisissement qui permirent d’édifier un nouveau système de défense avec l’aide du nouveau monarque élu, un Habsbourg. Ces confins militaires, continuellement changeants mirent un terme à l’expansion ottomane vers l’ouest. Les soldats qui y servaient se considéraient véritablement sur le « boulevard de la Chrétienté » et cela leur donna des forces morales pour y résister pendant cent cinquante ans.

NRH : Dans quelle mesure la Hongrie occupée fut-elle intégrée à l’empire ottoman ?

PF : Les Ottomans réussirent à occuper le tiers du territoire de la Hongrie historique, qu’ils fortifièrent. Ils essayèrent d’y introduire leurs institutions avec plus ou moins de succès. Les Ordres du royaume (clergé, noblesse, villes) restant dans les parties non occupées considérèrent toujours les Turcs établis dans le pays comme des envahisseurs de passage et ils parvinrent à maintenir leurs droits, notamment fiscaux et juridictionnels, sur les territoires occupés. Les Ottomans devaient tolérer ce condominium. Cette détermination des Hongrois « occidentaux » contribua au fait qu’il n’y eut pratiquement pas d’islamisation dans la population occupée. D’autre part, contrairement aux pays balkaniques, les Ottomans n’introduisirent jamais en Hongrie leur système de recrutement forcé, c’est à dire l’« impôt des enfants ». Ils ne contrôlèrent en fait jamais véritablement le pays. Leur nombre était d’ailleurs faible : ils furent sûrement moins de 100000 sur une population de près de 850000 habitants.

NRH : Quelles furent les conséquences économiques et démographiques des guerres turques ?

PF : Elles furent terribles. Songez qu’il n’y eut pratiquement pas de jour pendant trois cents ans sans qu’un village hongrois ne soit dévasté et ses habitants emmenés en esclavage. Les infrastructures de la Hongrie médiévale furent détruites pour une bonne partie. Les grandes villes florissantes tombèrent entre les mains des Ottomans et déclinèrent. Il y eut certes un petit rattrapage démographique, mais la Hongrie ne connut pas le grand boom démographique des autres pays européens à l’époque moderne. La proportion de Magyars dans la population tomba par ailleurs de 75 % à 50 %. Après un décollage momentané au début de l’époque moderne, l’économie hongroise fut soudain paralysée et s’isola, dans ce qui était désormais la périphérie de l’Europe. Au surplus, la Cour étant transférée à l’extérieur du royaume, à Vienne, les Hongrois perdirent un centre organisateur comme il en existait dans les pays européens occidentaux. Il n’y eut donc longtemps rien pour construire les bases d’un État-nation par l’homogénéisation du territoire, de la population, de la langue et par le mécénat de la culture. (…)

Cet entretien est disponible en intégralité dans le n°87 de La Nouvelle Revue d’Histoire, disponible à l’achat dans la boutique en ligne (papier et PDF) et en kiosque jusqu’au 28 décembre.

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Éditorial et sommaire du n°87 (novembre-décembre 2016) https://www.la-nrh.fr/2016/11/editorial-et-sommaire-du-n87-novembre-decembre-2016/ https://www.la-nrh.fr/2016/11/editorial-et-sommaire-du-n87-novembre-decembre-2016/#comments Tue, 01 Nov 2016 05:00:26 +0000 https://www.la-nrh.fr/?p=3236 Éditorial et sommaire du n°87 (novembre-décembre 2016)
L’esprit de résistance et la résilience dont ont su faire preuve les Hongrois au cours de leur histoire millénaire trouvent sans aucun doute leur source dans les siècles d’épreuves qu’ils ont dû traverser pour maintenir une identité constamment menacée.]]>
Éditorial et sommaire du n°87 (novembre-décembre 2016)

La longue et riche histoire de la Hongrie. Éditorial de Philippe Conrad (NRH n°87. Dossier : Indomptable Hongrie)

Les Hongrois viennent d’approuver, à 98 % des suffrages exprimés, la décision prise par leur Premier ministre de refuser les quotas de répartition des réfugiés qu’entendent leur imposer Angela Merkel et les technocrates bruxellois. Les médias du système n’en ont pas moins chanté victoire, le quorum de participation nécessaire à la validation de ce choix n’ayant pas été atteint. Amère victoire pour les tenants de la pensée unique, incapables de comprendre que les peuples ne sont pas des agrégats informes d’individus interchangeables, privés de racines et de mémoire. Le gouvernement hongrois a de plus aggravé son cas en faisant école. La Slovaquie, la République tchèque et la Pologne, réunies au sein du groupe de Visegrad opposent un front commun aux diktats de Bruxelles. La perspective de voir l’Autriche rejoindre la dissidence fait craindre le pire… Les performances électorales des partis « populistes » dans d’autres pays européens ne font qu’accroître les inquiétudes des tenants d’un mondialisme déconnecté du réel.

NRH n°87. Dossier : Indomptable Hongrie

NRH n°87. Dossier : Indomptable Hongrie

L’histoire demeure heureusement ouverte et l’avenir n’est écrit nulle part, les dernières décennies l’ont largement confirmé mais, quelles que soient les perspectives d’un sursaut salvateur face à la société marchande planétaire déculturée en cours de formation, il convient de s’interroger quant aux raisons qui ont fait qu’un petit pays de dix millions d’habitants porte aujourd’hui, par l’exemple qu’il donne, les espoirs de bon nombre d’Européens.

L’esprit de résistance et la résilience dont ont su faire preuve les Hongrois au cours de leur histoire millénaire trouvent sans aucun doute leur source dans les siècles d’épreuves qu’ils ont dû traverser pour maintenir une identité constamment menacée. Née de la fusion de l’élément magyar issu des steppes orientales avec des populations slaves puis germaniques, la population hongroise, réunie et christianisée par saint Étienne au tournant de l’an 1000, connaît d’abord les luttes opposant les Grands à l’autorité royale. en 1242, les tatars envahissent le royaume qui perd le tiers de sa population.

Il faut, au XIVe siècle, l’avènement de la dynastie d’Anjou pour que le royaume de la sainte Couronne renoue avec la puissance. Le retour de l’instabilité dynastique favorise les entreprises des Ottomans et le roi Sigismond est vaincu en 1396 à Nicopolis. L’irruption de Tamerlan en Asie mineure laisse un sursis à l’Europe balkanique et danubienne mais les exploits de Jean Hunyadi n’ont qu’un effet retardateur. En 1526, la défaite de Mohacs signe la fin de la Hongrie médiévale, occupée désormais en majeure partie par les turcs jusqu’à la fin du XVIIe siècle, quand les victoires de Charles de Lorraine et du prince Eugène ouvrent le temps du repli ottoman.

Intégrés à l’empire Habsbourg en y conservant nombre de leurs libertés traditionnelles, les Hongrois resteront fidèles à François Ier quand Napoléon tentera de les entraîner contre leur souverain légitime. Mais le printemps des peuples de 1848 les voit se dresser contre vienne et réclamer en vain leur indépendance. ils sauront au moins se garantir une large autonomie dans le cadre du compromis de 1867, fondateur de la double Monarchie austro-hongroise qui les fait participer au concert européen jusqu’à la guerre de 1914-1918 dont l’issue se révèle pour eux épouvantable.

Vaincus, ils voient leur territoire largement amputé et nombre de leurs nationaux constituer des minorités dans les pays voisins. Contraints de se rallier au camp de l’axe au cours de la deuxième Guerre mondiale, ils basculent ensuite pour près d’un demi-siècle dans la nuit communiste. en 1956, ils manifestent leur soif de liberté avant de la conquérir en 1990 lorsque s’effondre le bloc soviétique. L’oligarchie qui s’installe alors a vite fait de décevoir. Les émeutes de 2006 réveillent l’esprit de rébellion d’un peuple qui refuse de subir, une révolte qui fait écho à celles de 1848 et de 1956.

Le secret de cette résistance réside peut-être simplement dans le fait que les Hongrois sont les héritiers d’une longue et riche histoire dont ils ont conservé la mémoire, source indispensable au maintien de leur identité, la meilleure des défenses contre le nivellement mortifère engendré par le mondialisme libéral.

Philippe Conrad

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Au sommaire de ce numéro

Éditorial. La riche histoire de la Hongrie. Par Philippe Conrad
Rencontre. Un diagnostic pour l’Europe en crise. Entretien avec Jean-François Gautier. Propos recueillis par Pauline Lecomte
Actualité. Le billet inattendu de Péroncel-Hugoz. Les dominicains à Saint-Maximin
Anniversaire. Le tour du monde de Bougainville. Par Philippe Conrad
Mémoire. L’armée de Condé ou la grande errance. Par Anne Bernet
1914-1918. Les si mal nommés “comités secrets”. Par Rémy Porte
Décryptage. Été 1944. L’épuration en Haute-Vienne. Par Xavier Laroudie
Portrait. Sylla, de la République au pouvoir personnel. Par Emma Demeester
Jeu. Sylla et son temps
Mémoire des lieux. Notre-Dame de l’Épine, au coeur de la Champagne. Par Fabrice Madouas
La caméra explore l’histoire. Du Guesclin. Par Philippe d’Hugues
Livres. Actualité de livres historiques
Un historien, une œuvre. Albert Mathiez. Par Olivier Zajec

Indomptable Hongrie

– Présentation du dossier
– La Sainte couronne de Hongrie. Entretien avec Geza Palffy. Propos recueillis par é. Mousson-Lestang
– Saint Martin, européen et fédérateur. Par Ferenc Toth
– Les Angevins de Hongrie. Par Martin Benoist
– La Hongrie face aux Turcs. Entretien avec Pal Fodor. Propos recueillis par é. Mousson-Lestang
– Mars Hungaricus in Gallia. Par Ferenc Toth
– La révolution hongroise de 1848. Par Henry Bogdan
– La musique, c’est l’âme d’un peuple. Par Jean-François Gautier
– 1918-1919 : les Rouges, les Blancs et les Alliés. Par Nicolas de Lamberterie
– La blessure du traité de Trianon. Par Alexis Lassagne
– Nicolas Horthy, le régent méconnu. Par Ghislain de Diesbach
– Le parti des Croix fléchées. Par David Tarot
– 1956 : les combattants de la liberté. Par Henri-Christian Giraud
– L’octobre 1956 de Dominique Venner. Propos recueillis par Nicolas de Lamberterie
– La Hongrie depuis 1956, de Kadar à Orban. Par Nicolas de Lamberterie
– Viktor Orban, champion de l’Europe des nations souveraines. Entretien avec Viktor Orban

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