Dictionnaire amoureux de Napoléon
Membre actif de l’Institut, savantissime historien de la Révolution et de Napoléon, mais également cinéphile incollable et connaisseur imbattable de la littérature policière, Jean Tulard publie un Dictionnaire amoureux de Napoléon dans lequel il parvient à faire redécouvrir son personnage d’un œil neuf, avec un entrain frisant l’enthousiasme.
Je crois avoir lu à peu près tout ce que Jean Tulard a écrit sur Napoléon. Eh bien, je confesse avoir dévoré son Dictionnaire amoureux comme on le fait pour un sujet neuf servi par une écriture vivante. Pour s’en convaincre, je conseille au lecteur d’aller droit à l’entrée Mémorial de Sainte-Hélène. Il y trouvera le portrait le plus synthétique du grand homme, écrit sur un fond d’érudition immense qui ne montre jamais son nez. Lisons : « En 1823, paraît le livre qui va fixer à jamais la Légende de Sainte-Hélène. Une légende, certes retouchée par les témoignages qui suivront […] mais ne modifieront pas l’image de l’illustre proscrit donnée dans cet ouvrage. Si l’on devait lire qu’un livre, ce serait celui-là, même s’il appelle des réserves de la part des historiens. » Suivent neuf pages étincelantes qui campent les conditions d’écriture des Mémoires rédigées par le comte de Las Cases. Ancien officier dans la marine royale, rallié à Napoléon en 1806, chambellan de l’Empereur en 1809, son trait de génie après Waterloo fut d’offrir ses services à Napoléon quand tout le monde abandonnait le vaincu.
Courtisan discret, il va devenir le secrétaire idéal à qui Napoléon dicte ses souvenirs, s’abandonnant à des confidences pieusement recueillies. Une fois son livre bien ébauché, Las Cases s’arrange pour revenir en France et bientôt le publier. Livre inégalé, selon Tulard. D’abord récit de la captivité à Sainte-Hélène, qui fait du grand homme un martyr. Il soulèvera l’émotion du public en 1823, deux ans après la mort de Napoléon. L’Empereur s’y raconte depuis la Corse jusqu’à Waterloo. Une épopée avec ses héros et ses traîtres, ses figures de femmes, ses batailles restituées. Mais le Mémorial ne se rapporte pas qu’au passé, il est destiné à l’avenir. Il fixe l’image d’un Napoléon champion des idées de 1789. Un coup de génie ! Oublié le tyran en faveur du défenseur des idées libérales. On mesure l’impact dans la France de Charles X ! Voici le conquérant de l’Europe, de l’Espagne et de la Russie métamorphosé en chantre des nationalités… Le Mémorial fut sa dernière bataille, « et la plus belle », souligne Jean Tulard.
Si je me suis attardé sur cet article parmi les quelque 200 qu’offre ce Dictionnaire amoureux (parmi lesquels : Aigle, Attentats, Austerlitz, Balzac, Beethoven, Bérézina, Berthier, Brumaire, Cambronne, Caroline Bonaparte, Cent-Jours, Cheval, Cinéma, Clausewitz, et tous les autres), c’est qu’il prouve l’art de Tulard. Ce grand historien sait tout et se souvient de tout, de la page de Tolstoï sur Austerlitz (Guerre et Paix) aux interprétations tendancieuses de certains historiens. Et puis, cette remarque (p. 363) sur l’oubli de Napoléon (et d’autres) dans les nouveaux manuels d’histoire. Si, devant les noms de victoires et de maréchaux, les Parisiens venaient à en ignorer le sens, ils « deviendraient comme ces fellahs vivant à l’ombre des ruines de Karnak ou de Thèbes, qui ignoraient tout de ces monuments, faute de lire les hiéroglyphes ».
Simultanément, Jean Tulard publie un livre d’entretiens avec Yves Bruley, Détective de l’histoire (Écriture, 330 p., 19,95 €). Également, sous sa direction, un magnifique ouvrages illustré et relié toile, La berline de Napoléon. Le mystère du butin de Waterloo (Albin Michel, 312 p., 40 €).
Dominique Venner
À propos de
Dictionnaire amoureux de Napoléon. Par Jean Tulard, Plon, 576 p., 24 €
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