La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

Dans ce monde neuf d’un Occident en perpétuels bouleversements, vont apparaître cependant deux autres pouvoirs à vocation souveraine, confrontés aux précédents. Et chacun, revendiquera pour lui l’héritage prestigieux de la romanité.

Éditorial et sommaire du n°63 (novembre-décembre 2012)

Éditorial et sommaire du n°63 (novembre-décembre 2012)

Le Trône et l’Autel

Tout grand événement religieux a des causes politiques et historiques. Cette observation se vérifie dans la longue histoire du christianisme en Europe. Cela tient aux liens étroits et conflictuels établis entre l’Église et l’État, le Sacerdoce et l’Empire, le Trône et l’Autel.

Il existe bien d’autres religions d’origine vénérable à travers le monde, mais aucune n’a eu un destin comparable, en ce sens où aucune n’a édifié sur la longue durée une telle institution de pouvoir se posant à la fois en rivale ou en appui du trône ou de l’État. Nous en faisons l’analyse dans notre dossier. Pour ma part, je m’en tiendrai à l’essentiel révélé par l’histoire.

À la suite d’une série d’imprévus historiques majeurs, vers la fin du ive siècle de notre ère, un culte d’origine orientale fut adopté comme religion d’État obligatoire d’un Empire romain devenu cosmopolite. En trois siècles (l’espace de temps qui nous sépare de Louis XIV), la secte juive des origines était devenue une institution sacerdotale imprégnée de philosophie grecque. Saint Paul (à la fois Juif et citoyen romain) l’avait ouverte à tous les non-circoncis (les gentils). Il en avait fait une religion destinée à tous les hommes. Immense révolution !

Ce projet d’universalité paulinienne coïncidait avec la réalité universelle de l’Empire. Il en était même le décalque, ce qui favorisa son adoption après des périodes de conflits (sans parler des hérésies). Pour un Empire à vocation universelle, une religion qui se voulait celle de tous les hommes convenait mieux que la religion des dieux autochtones de l’ancienne Rome. On pense rarement à cette réalité capitale. Tout plaidait politiquement en faveur d’une telle adoption, et les apologistes chrétiens n’ont pas manqué de le souligner. À la différence de l’ancienne religion civique, la nouvelle était individuelle. Par la prière, chaque fidèle, quelles que fussent ses origines, était en relation avec le nouveau Dieu. Celui-ci ne s’opposait pas à l’universalité impériale : « Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Les difficultés surgiront ultérieurement sur ce qu’il convenait d’accorder à l’un et à l’autre.

Sinon pour exiger le monopole des croyances et de la parole morale, la nouvelle religion était muette en politique. À cet égard, l’Empire malade de l’époque ne pouvait souhaiter mieux qu’une religion prête à le servir en unifiant tous les peuples et toutes la races dans l’adoration d’un même Dieu sans attache ethnique, prêt à cautionner le pouvoir impérial.

Initiateur du fabuleux projet, l’empereur Constantin, imité en cela par ses successeurs en Orient (Byzance) était bien décidé à intervenir dans les affaires d’une Église qu’il voulait soumise, et à mettre de l’ordre dans les disputes théologiques qui tournaient à l’émeute. Son autorité s’imposa ainsi au concile de Nicée (326) qui établit les fondements de l’orthodoxie catholique en donnant une assise au mystère de La Trinité divine. Devenue obligatoire, ce qui impliquait la conversion formelle de tout titulaire d’autorité, la nouvelle religion se mua en une formidable machine de pouvoir, épousant les structures de l’Empire.

Un siècle et demi après les initiatives de Constantin, surgit un nouvel imprévu aux conséquences colossales. Depuis longtemps, le gigantisme de l’Empire avait conduit à diviser celui-ci en deux. Empire d’Occident (capitale Rome en attendant Ravenne) et empire d’Orient (capitale Constantinople). Une primature était accordée à ce dernier en raison du déplacement du centre géométrique de l’ensemble vers l’Orient. Cela d’autant que la présence toujours accrue à l’Ouest de peuples germaniques batailleurs en voie de romanisation, créait une instabilité mal maîtrisée. C’est ainsi qu’en 476, le dernier empereur d’Occident (Romulus Augustule) fut déposé par un chef hérule nommé Odoacre. Celui-ci renvoya à Constantinople les insignes impériaux. Ainsi finit discrètement l’empire d’Occident (1).

Ne subsistaient à l’Ouest que deux pouvoirs issus de l’ancienne Rome. Celui d’abord des rois et chefs germaniques adoubés par l’Empire, qui sont à l’origine de tous les royaumes européens. Celui, ensuite, d’une Église, riche et puissante, représentée par ses évêques, titulaires de l’administration diocésaine romaine. Dans ce monde neuf d’un Occident en perpétuels bouleversements, vont apparaître cependant deux autres pouvoirs à vocation souveraine, confrontés aux précédents. Et chacun, revendiquera pour lui l’héritage prestigieux de la romanité. Le pouvoir du pape, symboliquement fixé à Rome, et, face à lui, celui des empereurs d’Occident et des rois qui, à la façon de Philippe le Bel, se voudront « empereurs en leur royaume ». Ainsi se dessine le cadre historique de conflits qui se sont prolongés jusqu’à une période récente.

Dominique Venner

Notes

  1. Il sera relevé ultérieurement par Charlemagne.
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