La Nouvelle Revue d'Histoire : "L'histoire à l'endroit". Fondée en 2002 par Dominique Venner et dirigée par Philippe Conrad.

La « mobilisation du peuple » et l’hostilité envers les Européens faillit presque achever l’économie algérienne quasi moribonde à l’avènement du nouveau régime.

L’Algérie indépendante

L’Algérie indépendante

Source : La Nouvelle Revue d’Histoire n°84, mai-juin 2016. Pour retrouver ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique en cliquant ici.

Mme Liskenne, archiviste au ministère des Affaires Étrangères publie un ouvrage qui retrace les six premiers mois de la république issue des Accords d’Évian et du référendum du 1er juillet 1962. Des pièces d’archives totalement inédites permettent notamment de retracer l’action de Jean-Marcel Jeanneney, premier ambassadeur de France à Alger durant les six premiers mois du nouvel État.

Anne Liskenne, L’Algérie indépendante

Anne Liskenne, L’Algérie indépendante

Entre juillet 1962 et janvier 1963, l’Algérie frôla le chaos. Des centaines d’Européens sont assassinés à Oran le 5 juillet 1962. L’écrasante majorité des Européens quitte le pays. Le FLN accède au pouvoir divisé et soumis à mille et une surenchères. Pour ne rien arranger, le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) a adopté le programme dit « de Tripoli », vaste catalogue de ce qu’il ne fallait pas faire à base de nationalisations et de réforme agraire.

La « mobilisation du peuple » et l’hostilité envers les Européens faillit presque achever l’économie algérienne quasi moribonde à l’avènement du nouveau régime. Cet extrait de la page 55 dépeint clairement la situation : « le nouvel état algérien est dans l’incapacité de lever l’impôt et ne dispose à l’indépendance d’aucune rentrée fiscale ; le déficit est de 200 milliards en décembre [1962] ». Ben Bella demandera, sans vergogne, 40 milliards supplémentaires pour pallier l’évaporation des 10 milliards initiaux. Présentée comme un prérequis de la coopération entre les deux pays cette demande ne fut pas acceptée sans conditions : la remise dans un profond tiroir du programme de Tripoli.

Il n’y eut pas d’accommodement pour les Européens. Ils firent les frais des compromis que le pouvoir passa avec sa frange radicale. Enlevés et assassinés par la wilaya 4, ils connurent un certain répit avec la venue de l’armée des frontières que commandait Houari Boumediene. Mais ils continueront d’être intimidés, spoliés et découragés ensuite. Ces documents diplomatiques sont très parlants. Jean-Marcel Jeanneney constate les exactions contre les Européens et leurs biens : pillages, vols, réquisitions abusives, occupations d’appartements se multiplient ; églises et cimetières sont profanés.

Tel n’était sans doute pas l’objectif de l’auteur, mais les archives qu’elle présente permettent de réfuter complètement l’ouvrage de Pierre Daum Ni valise Ni cercueil (Éd. Actes Sud), dont l’auteur n’a pas craint de repeindre en rose cette triste et sombre époque.

Jean Monneret

À propos de

Anne Liskenne, L’Algérie indépendante, Armand Colin, 283 p., 28 €

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