Le Siècle d’Or de l’Espagne, de Michèle Escamilla
Une telle synthèse suppose une vraie maîtrise de la période et de l’espace considérés. Il est donc utile de rappeler les importantes contributions de Michelle Escamilla à l’histoire de l’Espagne.
Partie d’une thèse sur « Le Cuzco à la fin du XVIIe siècle », elle s’est ensuite consacrée à l’Inquisition et surtout à Charles Quint. Écrite avec Pierre Chaunu, sa biographie de Charles de Gand, élu empereur en 1519, fait référence. Ici, elle nous propose un Siècle d’or qui traite de la puissance dominante du XVIe siècle.
Rien n’eut été possible sans les trente ans de règne des Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Ils font mieux que poser les fondations, ils livrent à un étranger, Charles de Gand, un puissant royaume en train de se donner un empire colonial de la taille d’un continent. Tout le XVIe siècle, ou presque, est couvert par les deux premiers Habsbourg, Charles Quint (1516-1556) et son fils Philippe II (1556-1598). Ils sont à la tête d’un empire mondial mais dont l’Espagne reste le cœur.
Riche en hommes, elle donne à cet empire des « personnalités impressionnantes… hors du commun », tels le cardinal Cisneros, Don Juan d’Autriche, Hernan Cortes, Francisco Pizarro, Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila…
Michèle Escamilla privilégie les conflits en Europe et dans le bassin méditerranéen. Elle laisse à l’arrière-plan les guerres intestines des deux règnes (la révolte des Comuneros, la deuxième guerre de Grenade contre les Morisques) et les possessions américaines ne sont là que pour les métaux précieux qui alimentent les guerres. Des pages très fortes, parfaites d’analyse, sont consacrées aux Gueux des Flandres, à Lépante, à l’Invincible Armada (1588) ce coup terrible porté par les Anglais qui ébranle la « fière assurance » de l’Espagnol du XVIe siècle. Il reste que le déclin politique n’implique pas la décadence culturelle. Lope de Vega, Calderon, Murillo, Zurbaran, Vélasquez sont du siècle suivant.
Méditant sur l’Escorial, le philosophe Ortega y Gasset s’exclame : « Cette architecture est le vouloir à l’état pur, désir violent, élan incoercible. Mieux que nulle part ailleurs nous apprenons là ce qu’est la substance espagnole, qu’elle est la source souterraine d’où est sortie en bouillonnant l’histoire du peuple le plus anormal d’Europe. »
Il est parfois utile à tous d’être « anormal » !
Jean-Joël Brégeon
À propos de
Michèle Escamilla, Le Siècle d’Or de l’Espagne. Apogée et déclin, 1492-1598, Tallandier, 848 p., 29,90 €
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