De Gaulle et l’Algérie française
Cet ouvrage, initialement publié en 1995, fait l’objet d’une nouvelle édition complétée en format de poche à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie et de la fin de la guerre en juillet 1962.
Michèle Cointet, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Tours, ne craint pas d’aborder des sujets difficiles qui soulèvent toujours des polémiques. Dans le cadre d’un grand entretien recueilli par Pauline Lecomte (La NRH n°57), nous avions eu l’occasion d’évoquer avec elle son itinéraire d’historienne et notamment sa Nouvelle Histoire de Vichy publiée chez Perrin en 2011.
De Gaulle et l’Algérie française est un ouvrage de synthèse rédigé avec un évident souci de liberté. L’auteur retrace et explique les étapes ayant conduit le général de Gaulle, porté au pouvoir en 1958 pour conserver l’Algérie française, à liquider cette même Algérie au seul profit du FLN algérien en juillet 1962. On se souvient du « Je vous ai compris ! » lancé à l’énorme foule d’Alger, le 4 juin 1958, lors de son premier voyage. Y fait pendant le propos excédé, méprisant et cruel du Général en 1962 à des ministres qui s’inquiétaient (exceptionnellement) des souffrances qu’allaient endurer les Européens d’Algérie chassés de chez eux sans protection ni soutien de la France : « Eh bien, ils souffriront ! »
Rarement un chef d’État a montré autant de froide indifférence pour le sort de compatriotes dont il avait la charge. Il est vrai, et Michèle Cointet le rappelle, dans son action publique, de Gaulle pouvait être le plus froid des monstres froids et, depuis ses séjours à Alger en 1943-1944 à la tête du CFLN (après avoir évincé le général Giraud), il avait conçu pour les Français d’Algérie une aversion méprisante, voyant en eux des « pétainistes », ce qui était bien la pire insulte dans sa bouche.
Michèle Cointet admet qu’en 1958 (ne parlons pas de la répression brutale des soulèvements de Sétif ordonnés par de Gaulle en mai 1945), la position du général n’était nullement arrêtée. En fait, il a navigué à vue, disant à ses interlocuteurs ce que ceux-ci voulaient entendre, ce qui eut pour résultat que les plus engagés se sont considérés à juste titre comme trahis, à commencer par des gaullistes comme Jacques Soustelle, des résistants comme Georges Bidault, des soldats comme Salan, Challe ou Denoix de Saint-Marc.
On ne peut retracer ici les années dramatiques que rappelle Michèle Cointet avec un grand souci de modération. Elle se garde de porter des jugements tranchés, mais les faits parlent d’eux-mêmes. Elle rappelle notamment les ordre infâmes donnés au militaires en 1962 par le ministre Louis Joxe (un diplomate si charmant) de jeter à la mer les harkis qui tentaient de fuir les massacres, et l’ordre aussi de sanctionner les officiers qui faciliteraient le sauvetage de ces malheureux. S’il est un exemple de crime contre l’humanité, c’est bien celui-là.
Elle rappelle enfin que rien n’avait été prévu pour venir en aide et héberger en France les centaines de milliers de Français d’Algérie contraints de fuir leur terre sous la menace des massacres qui se multipliaient depuis les accords d’Évian de mars 1962. Contrairement à ce qu’avance la dernière ligne du livre, on peut penser que « les collectivités nationales ne survivent pas à ce prix ». Elles peuvent même s’y engloutir.
Dominique Venner
À propos de
De Gaulle et l’Algérie française. Par Michèle Cointet, Perrin Tempus, 425 p., 10,50 €
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