Le procès Brasillach révisité
Le courage est rare. Il en a fallu beaucoup à l’avocat général Philippe Bilger pour écrire ce livre comme il l’a fait. Un livre qui est une interrogation sur la justice et un réquisitoire à l’encontre des magistrats de l’Épuration.
Le prétexte lui est offert par le procès de Robert Brasillach, dont la mort programmée, fut exécutée à l’aube du 6 février 1945. M. Bilger rappelle que les magistrats de l’Épuration venaient tous de Vichy : « Ils n’ont même pas retourné leur veste intellectuelle et judiciaire. Tout naturellement, ils ont glissé d’un rôle à un autre, d’une sévérité à une autre et ont osé donner des leçons à un accusé qui s’était engagé là où eux avaient agi en fonctionnaires. J’ai en horreur tous ces salamalecs, ces courtoisies de façade, cette absurde et feinte chevalerie judiciaire qui laisse croire à des combattants loyaux quand les dés étaient pipés. »
Au passage, l’auteur révèle quelques chiffres ignorés. Sous Vichy, entre 1941 et 1944, les juges des juridictions d’exception ont prononcé 19 condamnations à mort suivies d’une seule exécution. À la Libération, les mêmes magistrats siégeant dans les cours de justice ont édicté près de 7 000 condamnations à mort, dont 767 suivies d’exécution. La magistrature a franchi tranquillement la frontière entre la légalité de Vichy et la légitimité du nouveau pouvoir gaulliste, sans trouble apparent, obéissant à ce qui lui était demandé.
Dans ce livre d’une rare probité, Philippe Bilger examine le rôle et le comportement des acteurs du procès de Robert Brasillach, le 19 janvier 1945. Six heures, sans instruction préalable, et vingt minutes de délibéré, pour parvenir à la décision de mort, prévue à l’avance. L’accusé, d’abord, Robert Brasillach, 36 ans. « Un être plein de contradiction » écrit M. Bilger qui fait du critique littéraire, du romancier tendre et léger, du poète et du polémiste violent, un portrait juste et nuancé dans l’ensemble. Surtout, il lui reconnaît l’intelligence et le courage d’avoir compris par avance qu’il serait seul contre tous et que son unique recours, face aux juges et à l’Histoire, serait de bien se tenir : « Le dernier mot de la morale reste l’allure ». Et d’allure, à aucun instant, Brasillach n’en a manqué.
M. Bilger est beaucoup plus réservé sur son avocat, Me Isorni, dont l’intégrité n’est pas en cause. Mais, dit-il, cet avocat n’avait pas mesuré la réalité implacable de ce type de procès jugé d’avance, hors de toute justice. Au passage, et par contraste, il rend hommage à la « défense de rupture » adoptée par Me Vergès dès la guerre d’Algérie. Un type de défense qui récuse la légitimité des juges et soutient le bon droit d’un accusé que l’on sait condamné.
Mais, on l’a dit, l’avocat général Bilger se montre surtout indigné en connaissance de cause par les magistrats de ce procès inique. L’ayant lu, il serait difficile de ne pas partager son indignation.
Dominique Venner
À propos de
Vingt minutes pour la mort. Robert Brasillach : le procès expédié. Par Philippe Bilger, Le Rocher, 161 p., 17,90 €
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