Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne
Les dernières années du règne de Louis XIV à travers la biographie croisée d’un jeune couple princier.
Les deux personnages choisis par Sabine Melchior-Bonnet sont peu connus. Le sort ne leur a pas permis de jouer le rôle pour lequel ils étaient préparés. Et pourtant, cette double biographie introduit le lecteur dans le tissu profond du règne de Louis XIV, à partir du prisme de la Cour et de la famille royale.
Louis et Adélaïde furent emportés l’un et l’autre, à quelques jours d’intervalle, par l’épidémie de rougeole pourprée qui décima Versailles en 1712. Louis de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, héritier présomptif, avait trente ans. Marie-Adélaïde de Savoie, son épouse, n’en avait pas encore vingt-sept. Leur fils aîné, Louis, duc de Bretagne, mourut du même mal. Toute la descendance de Louis XIV avait été emportée en quelques semaines, victimes de la maladie et peut-être plus encore des médecins. Cette catastrophe plongea le vieux roi dans l’angoisse la plus noire. Un dernier enfant, pourtant, survécut, second fils de Louis et d’Adélaïde, le futur Louis XV.
Tout est intéressant dans ce livre. Le récit de l’éducation de Louis de Bourgogne par l’abbé Fénelon permet, par exemple, à l’historienne d’évoquer en quelques pages la querelle à la fois théologique et personnelle qui opposa Fénelon à Bossuet sous prétexte du quiétisme. Querelle qui entraîna la disgrâce complète du premier et le triomphe du second. Dans une monarchie qui a lié de façon excessive son destin à celui de l’Église, une querelle religieuse, somme toute secondaire, se transforme en affaire d’État. Ou, pour dire les choses autrement, des querelles politiques bien réelles, que l’on peut rattacher aux souvenirs de la Fronde, prenaient prétexte d’obscurs débats théologiques pour se manifester.
L’histoire de la fin du règne de Louis XIV est contée ici de façon très accessible. Voici la terrible guerre de Succession d’Espagne, mais également les intrigues de la Cour qui ont permis au roi de cadenasser l’orgueilleuse et désormais inutile noblesse de France. Pourtant, le cœur de l’ouvrage se rapporte à la vie et aux démêlés d’un couple peu assorti où le rôle majeur est tenu par la très jeune épouse.
Dans cette société de cour très masculine, les femmes disposent de pouvoirs immenses. C’est vrai, entre autres, pour Mme de Maintenon et pour Adélaïde. Ni l’une ni l’autre ne songent à imiter les hommes. Elles règnent par les moyens de la féminité, arbitrant les luttes de clans à la Cour. Devant elles, leur intelligence et leur séduction, dans la crainte de leur déplaire, le grand Roi lui-même s’incline et dépose les armes. Louis XIV a été conquis dès le premier instant par la petite princesse de dix ans – elle joue encore à la poupée – qui arrive à la cour de France pour être mariée à Louis de Bourgogne, âgé de quatorze ans, grand dadais que ses pieux éducateurs ont mieux préparé pour le cloître que pour gouverner le royaume et conduire les armées. Le mariage, bien entendu, ne sera consommé que cinq ans plus tard. En dépit de son extrême dévotion, Louis se montre amoureux fou de sa jeune épouse. Celle-ci semble le bouder. D’humeur libre, joyeuse et fantasque, elle s’impatiente de la sombre piété de son triste mari, s’intéressant beaucoup plus à de jeunes courtisans autrement galants. Leur a-t-elle cédé ? La question reste en suspens.
Plus tard, son attitude changera. En 1708, lorsque Louis sera victime d’une cabale destinée à le faire passer pour un couard, Adélaïde prendra sa défense bec et ongles, montrant dans la circonstance cette forme particulière de combativité qui est le propre des femmes lorsque leurs proches sont menacés. Ce qu’aurait été le Dauphin si une mort précoce ne l’avait emporté, nous ne le saurons jamais. On peut en revanche mesurer la perte immense que fut pour le royaume des lys la mort d’Adélaïde.
Dominique Venner
À propos de
Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne. Par Sabine Melchior-Bonnet, Robert Laffont, 304 p., 19,70 €.
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